L’ART ET LES ARTISTES App. a 211•Daniel Vierge. EN ESPAGNE (CROQUIS INÉDIT REHAUSSÉ D’AQUARELLE.) retrace ici et là les faits saillants de la grande actualité universelle. en même temps qu’il prodi-gue partout les trésors de sa fantaisie jamais lasse et de son observation toujours en éveil, il continue son oeuvre d’illustrateur. C’est, en 1891, l’Espagnole d’Emile Bergerat; en 189z, Duc et sculpteur de Zorilla ; en 1894. la Nonne .41J ere.“ en 1897, le Dernier des .4 bencerrages et le Voyage au pays de Don Quichotte qui est comme la préface de son illustration de l’Iliade espagnole ; en 1903, le Barbier de Séville, puis Colombe,. puis Don Quichotte, enfin Gaspard de la Nuit… Et Vierge meurt en pleine activité. le lo mai 19°4, de nouveau frappé par le terrible mal qui avait failli vingt ans plus tôt le tuer. J’ai dit. au début de ces brèves notes. que Vierge est le type du dessinateur-né, du dessinateur par excellence; son œuvre est, en effet, le triomphe de l’art du dessin et, par là, elle contient une mer-veilleuse et féconde leçon. Plus colorée, plus riche en couleur que bien des œuvres de peinture, elle est une manifestation éclatante de cette vérité trop méconnue aujourd’hui, de ce principe éternel que tant d’artistes ou qui s’intitulent ainsi. foulent aux pieds, que le dessin se suffit à soi-mème et que l’homme qui a quelque chose à dire peut admira-blement le dire en n’usant que de combinaisons graphiques. Vierge n’a-t-il pas tout dit ? N’a-t-il pas été un bel exemple que point n’est besoin de tant de choses pour tout dire et que du crayon et de la plume, aussi bien que du pinceau trempé dans des couleurs chimiques, un artiste peut tout exprimer. Vierge. aussi, a montré que rien n’est indigne du véritable artiste, de celui que passionnent tous les spectacles de la nature et de la vie, qu’il n’existe ni sujets nobles, ni sujets vils, et que les aspects quotidiens du monde extérieur, ce que les peintres appellent dédaigneusement l’actualité, sont tout autant matière à chefs-d’œuvre que l’interpréta-tion de la pensée des grands poètes et des grands romanciers. Avec Vierge, d’ailleurs. comme l’écri-vait fort justement M. Roger Marx dans sa préface au catalogue de l’exposition d’œuvres de Vierge qui eut lieu chez Bing en mars 1898, « toute une révolution s’accomplit. Il renouvelle, il transforme le dessin d’actualité ; il le doue de ce qui lui manquait naguère, de la vie et du mouvement; il le fait l’égal du tableau pour l’ordonnance, le sens et l’effet ; il remplace les fantoches informes par des êtres hautains, les gribouillis du paysage par des masses profondes, les figures banales par des types caractéristiques. C’est victorieusement pour-suivie dans l’illustration, la lutte de l’école moderne en faveur de la vérité et de l’expression. Vierge ne 166 CROQUIS INEDIT