DANIEL VIERGE génie d’évocation. de la même puissance créatrice, aussi capable de représenter les faits de la vie quotidienne ou les grands événements de l’histoire vécue que d’illustrer les chefs-d’œuvre des grands écrivains et les fastes de l’histoire morte, en pleine possession de tous ses moyens. marquant toujours du sceau de sa personnalité tout ce qu’il touche, tout ce qu’il réalise, avec cette verve étonnante, avec ces dons prodigieux de metteur en scène. de visionnaire. avec ce sens suprême du pittoresque et de la couleur qui fait de lui un des «animateurs» les plus complets que l’art du dessin ait produits. Revoyez aujourd’hui ou rappelez-vous telles des pages où il a peint I, misères et les angoisses de l’Annéî terrible. où il a fixé, au jour le jour. le tragique des heures douloureus, que vécut alors la France la Bou-cherie Municipale. le Colombier d, pigeons voyageurs, les Enrôlement, volontaires, la Rentrée des blessés à la porte d’Italie, pour n’en citer que quelques-unes parmi ces transcrip-tions si véridiques et traversées d’un tel souffle de grandeur, où Vierge, en observateur scrupuleux autant qu’en poète, raconte les horreurs de la Guerre et de la Commune. Mis en lumière par cette campagne artistique, devenu vite célèbre dans ce Paris toujours hos-pitalier au talent, Vierge fut alors présenté à Victor Hugo. Le Père l’accueillit les bras ouverts. M. Jules de Marthold dans le beau livre qu’il a écrit sur l’illustrateur de Don Quichotte (1) raconte ainsi la première entrevue de Vierge et de Hugo «Le maitre, qui s’y connaît en génie, l’accueille en camarade. Potr.Vierge, devant ce radieux, il v a éblouissement… Et comme Vierge reste muet, Hugo le met à l’aise ; il cause, évocateur et pro-phète qui sait tout. et. en se jouant. réveille et révèle… et voici que le poète fulgurant, voici que l’homme chargé de tant d’outrages et de tant de gloire, en badinant, montre à Vierge les dessins éclos de sa fantaisie, expliquant ses procédés, se révélant familier de toutes les techniques, et tout à coup, lui dit — Vous êtes de la maison. Nous allons travailler ensemble. Vous allez m’illustrer. Voulez-vous ? » Et Vierge illustre rA nuée terrible, L’Homme qui rit. l’Histoire d’un Crime. Il a trouvé sa vraie voie. Illustrer ! l’admirable mot ! Illustrer un texte, ir, assis( Vierge (Henry Floury, éditeur, livre auquel L’Art el les ,telisles o. emprunté quelques-unes des belles gravures illustrant cet article. 63 vigxErvx roua •• DON PAP1.0 DE SÉGOVIE ajouter de la lumière et de la vie à l’oeuvre du poète, oui. l’admirable mot et l’admirable chose ; mais qui ne sait ce que l’un et l’autre sont trop souvent devenus en passant à travers les livres et à travers les mains de certains éditeurs et de certains illustrateurs»! Après Hugo, c’est à Michelet que Vierge s’attaque et dans la prose puissamment lyrique du grand historien dont il se fait l’interprète fidèle et soumis, emptrte par sa fougue et laissant libre cours à son imagination, Vierge sème cette prodigieuse suite de dessins familiers et héroïques, débordants de mouvement, qui suffirait, et bien au-delà, à faire la gloire d’un artiste. Feuilletez tHistoirede France et l’Histoire de la Révolution r avec quelle variété, avec quelle fougue, avec quelle souplesse, avec quelle aisance, il passe d’un sujet à un autre. d’une époque à une autre, créant les types et les décors appropriés, toujours exact et toujours fantaisiste, plus que jamais expert à donner l’impression de la vie.