L’ART ET LES ARTISTES On a pu voir, à Venise, des ouvres telles que Médifinion et le .tHosicien ambulant, tableaux d’une touche mesurée, précise, scrupuleuse, qui n’annoncent presqu’en rien le faire plein d’ardeur, violent presque, très personnel en tous cas, quicaractérisera le maitre lorsqu’il sera en pleine possession de ses moyens, à côté des chefs-d’œuvre tels que les Por traits de l’écrivain Busken-linel, de l’ancien ministre Thor-heCke, du D• de Joug, et des tableaux comme Lorsqu’on devient vietre, le Sobre Repas, Les Joueurs, Après le Service, et nombre de toiles et d’aquarelles de tout premier ordre. Cet ensemble vraiment beau, eut un énorme succès, et l’impression qui en est restée demeurera longtemps. Lac de l’exposition de Venise m’avait demandé une note biographique comme préface au catalogue. Cette note ayant été traduite en italien, je crois bien faire en tai-sant suivre l’original, puisqu’il résume ma conception de Fœuvre entier d’Israéls et l’histoire de sa vie artistique. Jozef Israéls, qui naquit à Groningen, en 184, a donc actuellement 86 ans. Né à une époque où les premiers signes d’une renaissance se remarquaient à peine, Israels étudie a ses débuts, sous l’influence des idées asti-artistiques du commencement du mi, siècle, en Hollande. Néanmoins, ri vers 185o son pinceau s’arrête encore aux détails, si sors œil s’embrasse pas l’ensemble de la compo-sition, si ses oeuvres n’ont pas encore l’enveloppe qui carac-térisera ses chefs-d’œuvre, certaines parties de ses tableaux démontrent déjà sa supériorité sur ses contemporains. Ce n’est qu’après 18.48, en ces jours de généreux enthou-siasmes que pendant un séjour dans un petit village, au bord de la mer du Nord, il est frappé et par la transparence lumi-neuse de l’atmosphère des plages et par l’aspect des habita-trous des pécheurs. Dés lors il a trous-é sa voie, et, ému par la vie de ces humbles, il se sent désormais voué à rendre leurs joies et leurs souffrances. Dés ce moment ses succès commencent, ses œuvres étant basées sur l’étude du réel et ennoblies par une haute concep-tion de la beauté. Peu a peu son faire s’élargit, parallèlement à sa vision. De lisse et minutieuse, sa peinture devient tour à tour fluide et emportée. Israéls eu arrive à rendre admirablement l’atmosphère ambiante, aussi bien à l’intérieur des chaumières que sur les plages, et son dessin, de précis, devient large, expressif, caractériste. Il ne cesse dès lors de représenter la vie des pêcheurs et des paysans, qu’il préfère à tout et qui ont pour lui une beauté suprême, incomparable, — tout en brossant parfois des portraits, qui, dans son œuvre, occupent une place pré-pondérante, par l’expression du caractère, de la vie, et par le je ne sais quoi de subtil qui entoure ses figures, ainsi que celles de Rodin, dont les sculptures sont baignées d’une atmosphère de sentiment. La gloire l’a atteint sans que sa recherche du beau en ait été altérée. Toujours en éveil, il travaille avec ardeur d’après nature, encore aussi actif et laborieux à quatre-vingt ans qu’un homme jeune. La facture d’Israéls, de claire et nette, est devenue depuis longtemps très individuelle, une o cuisine » mystérieuse et compliquée, un mélange de zébrures, de hachures, de taches et de coups de brosse accentués ou fondus, qui déroute et déplais supérieurement à ceux qui veulent voir de « quelle « tanière h ses tableaux sont peints, détail secondaire dont le grand artiste ne s’est jamais occupé. Il arrive alors, parfois, que certains critiques, fermés aux splendeurs de la réalité, ratiocinent, analysent, au lieu de synthétiser, et ne voient pas que de cette facture brouillée et chaotique, de cette matière passionnément travaillée, surgit la vie môme, dans les chatoiements et les miroite-ments de la lumière, et non pas seulement l’apparence de la vie. Et c’est l’apanage des plus grands seuls, dans tous les arts que de créer n à l’instar de Dieu » (comme me le disait un jour Edmond de Goncourt) et de pouvoir ainsi, par la magie du génie, répandre la Beauté parmi les hommes ITALIE Ufic. nouvelle qui a fait le tour de la presse et qui, juste / titre, aému certains milieux artistes, nous a témoigné dernièrement d’un état de choses qui paraitrait assez SyMptél-matique. Une circulaire a été envoyée aux grands journaux de l’Europe, dénonçant l’étrange accès de pruderie qui se serait emparé des pouvoirs publics italiens, et qui menacerait les plus beaux chefs-d’œuvre répandus dans la péninsule. La circulaire, partie de Milan, fait appel aux écrivains de tous les pays, en les priant de joindre leur protestation à celle de leurs confrères d’Italie. Les préfets et les procureurs du roi sont accusés d’avoir commencé le mouvement de répressions avec une effrayante rapidité. Les ternies de cette circulaire, de style fort suspect, sont pourtant précis, et tels que les artistes du Inonde entier doivent s’en émouvoir. On aurait saisi, à Rome, des reproductions du l’ouste, de Bernin; a Venise, celles d’Amin. et Psyché, de Canova; à Gènes, celles du Neptune de Jean Bologne, etc. Le style de la circulaire, je le répète, est sus-pect. Et la phrase qui affirme que l’on voudrait mettre des caleçons de soie noire au Du s’ili de Michel-Ange, sans par-ler des livres cités comme pou vis par le gouvernement du roi, révèle très suffisammentrsui l’origine de la circulaire de 183 protestation! Les artistes,émus par les articles et les interviews parus dans les quotidiens parisiens, peuvent donc se rassurer sur le sort des chefs-d’œuvre nus en Italie… au moins pour le moment. Il ne faut pas oublier, cependant, que des mesures sévères contre telle ou telle oeuvre u nue sont toujours à redouter en Italie. Sans aller jusqu’à t’invraisemblable et systématique opposition contre la nudité en art, qui ;caractérise les prin cipes du musée moderne de Bruxelles où « le nu n’entre pas », ce qui permet à M. Delville de voir acheter par la France son beau panneau décoratif de [Tente de Platon refusé a Bruxelles, les mag,istrats italiens, suivant les tendances des hommes au pouvoir, catholiques ou libéraux, réservent sou-vent des surprises redoutables. Plus d’un conservateur de musée italien pourrait écarter une Oeuvre comme celle de M. Delville, prétextant que Platon n’avait pas une si bonne réputation ». Mais il y a tout de méme en Italie, depuis quelques années, au-dessus des pouvoirs eux-mêmes, des hommes dont la situation artistique est remarquable, et qui ne craindraient pas, à l’occasion, de s’en appeler l’opinion publique, afin qu’une profanation, plus ridicule que grave, ne fin pas accomplie pro »An. Ce qui est le plus propre à nous rassurer, c’est la tradi-