L’ART ET LES ARTISTES encore. En définitive, cette exposition atteste un important effort et rassure sur l’avenir de la gra-vure en noir. TABLEAUX, AQUARELLES ET DESSINS DE MAXIME MAUFRA (Galeries Durand-Ruel. 16, rueLaffitte). —Je m’en voudrais d’ajouter quelque chose aux aperçus et aux conclusions qu’en t908, ici même, M. Georges Denoinville nous proposa sur l’oeuvre et le talent de M. Maxime Maufra. J’y renvoie ceux des lecteurs de L’Art et les Artistes qui auraient cette curiosité. Tout ce que je me permettrai de dire c’est qu’il m’a semblé, en effet, que M. Maufra s’était renouvelé, avait davantage encore poussé sa couleur et précisé son dessin. Et tout d’abord, il en a pris le temps. Refusant de sacrifier à la manie, qui, chaque jour, devient plus grave chez les artistes, d’exposer à tout prix, toujours, parfois plusieurs fois par an, il s’est recueilli six années depuis la dernière exhibition générale de ses oeuvres. N’appartenant à aucune école, farouchement indé-pendant, il ne s’incline que devant la nature, laquelle n’édicte pas de théories, comme on sait, sinon celle de respecter ses aspects et de deviner, si possible, ses permanences. M. Maufra a peint Belle-Ile-en-Mer et le Morbihan, avec le seul souci de donner l’impression de l’océan et du ciel. Il y est parvenu. Sa peinture a quelque chose de tumul-tueux qui émeut. Quant à ses natures mortes, quelques-unes sont parfaites. Et le panneau appelé Fantaisie sur l’Automne est une chose d’une pure et séduisante beauté, qui, tout à coup, fait songer que M. Maufra est surtout un décorateur, que c’est là le but de sa vie et de son labeur, comme d’ailleurs chez tout artiste digne de ce nom et qu’on devrait lui confier des murs… Il est de ces producteurs qui y sont plus à leur aise que sur les petites toiles de chevalet il leur faut de l’espace pour vivre. PEINTURES D’AUGUSTIN CARRERA (Galeries E. Drue[, 20, rue Royale). — Celui-ci est surtout un violent. Il possède quelque chose d’emphatique et d’exaspéré, assombrissant ce qui est sombre, rendant aveuglant ce qui ne serait qu’éclatant. Il monte les choses d’un ton, de deux tons, il les surmène, dirait-on. On commence par trouver antipathique cette débauche de couleurs vives, cette exaspération des formes, cette succession de cris qui paraissent ne jamais devoir laisser place à la simple parole, aux douces nuances de la parole… Puis on s’y fait, assez vite même… Toutes ces violences composent une atmosphère où tout reprend sa place et redevient naturel. On éprouve à peu près la sensation de l’homme qui sort d’une chambre où le jour est tamisé par de doux rideaux pour se trouver tout-à-coup dans l’éblouissement du soleil. Après quelques clignements, il rejuge de la nature. M. Augustin Carrera, ai-je dit, monte les choses de quelques tons, niais il n’altère pas pour cela les rapports de tons : c’est l’essentiel. Après tout, Monticelli, avec une subtilité plus grande et du génie, n’agissait pas autrement. Je reconnais que M. Carrera n’est pas toujours exact ni distingué. Parfois, quelque hésitation se décèle dans son indication des formes, et même dans le choix, dans les contrastes de ses éclairages. Mais lorsqu’il tombe juste, comme par exemple I i l’Alhambra, la Glace et surtout Barques bis. t-Pavois à l’Aube, le Port, Calanque, c’est parfait. Il s’établit, pour la plus vigoureuse et douce caresse de nos yeux, un accord délicat entre son audace et les ressources de son talent. Son emphase se fait grandiloquence et force. On est séduit et entraîné. EXPOSITION CHAMAILLARD (Galeries Bernheim Jeune et C., 15, rue Richepance). — On a beaucoup abusé de la Bretagne, comme sujet de peinture et j’en veux particulièrement aux peintres sans originalité qui sont allés là pour s’en créer une ou pour y appliquer des théories d’atelier ou de cabaret. Ils ont gâché la Bretagne. Mais j’aime par contre les artistes comme M. Chamaillard, qui est Breton, qui comprend et possède son pays et s’efforce à en rendre la beauté, la douceur. Quel adorable paysage que la Baie de Doltarnenq ! Vrai-ment, est-ce aussi parfaitement pareil à une fresque édénique? Sans doute, et je le crois volontiers, car à de subtils indices, je reconnais en la peinture de M. Chamaillard quelque chose de direct, de sin-cère, de e vériste s, aurait-on envie de dire, et aussi de familier, de populaire, qui se retrouve, avec un accent étonnant, une vivacité savoureuse dans ces meubles et objets d’art décoratif en bois sculpté et colorié qu’il a fabriqués pour son plaisir. Objets un peu paysans et tellement raffinés aussi… EXPOSITION DE M.. ERNA HOPE (Petit Musée Baudouin, 253, rue Saint-Honoré). — Voilà une artiste sans prétention aucune, mais le plaisir que l’on prend à la regarder ne peut qu’augmenter plus on la regarde. Sa technique est raffinée, subtile, fine, avec quelque chose de whistlérien, niais elle l’applique à des sujets simples, aisés, tranquilles, quotidiens, qui ne comportent aucune interpréta-tion, aucune explication littéraire. Ce sont des plein-air, des plages, des intérieurs, mais surtout, surtout des enfants. M.° Erna Hope rend avec une tendresse exquise, une science simple, la grâce des mouvements de l’enfance et aussi le mystère char-t77