L’ART ET LES ARTISTES Et pourtant il y a dans les peintres florentins, quand on les étudie avec la ténacité et la lucidité que donne l’amour, une volupté intense d’autant plus que cachée. Certes, ce n’est pas cette trop célèbre a perversité e dont une légende détestable-ment littéraire a affublé le grand, le pur Botticelli, en dénaturant son génie. Mais dans ces femmes des fresques, exprimées par une technique presque immatérielle, par le tissu souple et doux de la peinture a tempera, par un coloris de pastel déli-cieusement évanoui, dans ces femmes faites de pollen, dans ces visages aux yeux élargis ou clos par la vision de l’infini selon qu’elles la reçoivent ou la veulent conserver à l’ombre de leurs cils, il y a autre chose que dans l’effort des beaux corps vénitiens exaltés par l’ardeur de la passion achar-née. Il y a l’essence elle-même de l’extase, la béa-titude dont l’amour humain n’est qu’une impuis-sante recherche, toujours obstinée et toujours déçue : il y a une sorte d’évasion de toute la créa-ture hors d’elle-même, on ne sait quel paroxysme équivalant au calme, qui parviennent à émouvoir, à solliciter, à troubler autant et plus que l’éclatante impudeur vénitienne. Jamais on ne sentira mieux qu’en présence de ces créatures la profonde beauté de cette parole de Flaubert : e Les âmes, comme les corps, peuvent s’étreindre avec délire L’acuité de la volupté mystique est affirmée là avec une puissance auprès de laquelle la volupté païenne de Venise révèle toute la faiblesse à quoi la condamnent les limites infranchissables de la chair. Mais de quelle auguste pénombre ne s’enve-loppe pas cette révélation ! Il n’y eu peut-être, depuis, que la poésie de Verlaine et la musique de César Franck pour recueillir quelques échos de ce chant nuptial de l’âme se fondant dans l’embrasse-ment du divin, (le ce chuchotement suave qu’on croit surprendre sur les lèvres des personnages du Sposaft:,:io de Raphaël, et que nulle lèvre véni-tienne, vivante ou peinte, n’a jamais murmuré. Camille MAUCLAIR. PIM. Ali., Flonwr dl iona I . LUCA DELLA ROBBIA LA VIERGE ET L’ENFANT JÉSUS 16o