L’ART ET LES mmsTEs Elle n’a eu ni sculpteurs ni architectes qui approchent ceux de Florence Byzance a suggéré Saint-Marc, la décoration orien-tale altère le gothique du Palais des Doges, les Lombardi sont de Carotta, Sansovino est Florentin, Palladio est Vicentin; ni les Buon, ni Longhena ou Scamozzi, ni Rizzo, ni Campagna n’existent auprès d’un Ghi-berti, d’un Verrocchio, d’un Donatello, d’un Cellini, d’un Brunelleschi, d’un Arnolfo di Cambio. C’est que la sculpture et l’archi-tecture sont, comme la symphonie, des créations de pure pensée et des représenta-tions idéologiques qu’aucune illusion ne peut secourir. Il y a eu de la substance intellectuelle, et de la plus pure, chez Cima de Conegliano, le plus beau primitif de Venise, le plus digne de Mantegna par son style et la qualité altière de son mysticisme. Il y en a eu chez Lotto, chez Giovanni Bellini, chez Sébastien del Piombo: il y en a eu aussi chez Titien à force de majesté et chez Tintoret à cause de son génie drama-tique. Mais ce n’est qu’un peu de rêve, HONI. GHIRLANDAIO PRE>EN 1 Mo DE LA VIERGE AU TEMPLE (ImITAm) 156 GIOVANNI BELLINI PORTRAIT DE JEUNE ÉENIME qu’un peu de pensée auprès du monde extatique or: l’Angelico, Lippi, Botticelli, l’Orcagna, Gozzoli, Masaccio ont vécu à l’aise, et Léonard enfin, le dieu en qui se condense la puissance indéfinie du rêve humain synthétisé dans l’expression la plus parfaite, comme en Giotto s’est incarnée la candeur absolue du vision-naire dessinant son idée. Jamais la visi-bilité de l’idée n’a été plus translucide, jamais, avec moins de matière et moins d’apparences, on n’a mieux révélé le pro-fond, jamais un groupe d’hommes n’a été plus royalement intellectuel que le groupe inouï de ces Croisés de la fresque dont la Jérusalem s’appelle Florence. Ceux de Venise, c’est un cortège, le plus luxueux, le plus sensuel, le plus heureux des cortèges. Il y a un prince nommé Titien qui s’avance tout vêtu de velours et d’ors: il y a un héraut d’armes, Véronèse, dont le geste gracieux et ample règle les cérémonials. Il y a à l’écart, dans la pénombre, un vieillard puissant et farouche qu’on nomme Tintoret et