L’ART ET LES ARTISTES ce qui nous y captive aujourd’hui, c’est, au fond, sur la prestigieuse virtuosité, sur l’ingéniosité le moyen et non le but la touche, le glacis, la séductrice d’un Gentile Bellini ou d’un Véronèse. matière grasse et somptueuse, troublante comme Ici, il y a des peintres; à Florence, il y a des une chair, les valeurs, la friandise du ton rare et du âmes. A Florence, on parle bas, l’atmosphère du 1’4 01. Al PANORAMA DE LA CATHÉDRALE DE FLORENCE rapport imprévu, le bouquet de certains tons, aro-matique comme le bouquet d’un vin glorieux, tout cela nous enchante et nous conduit à la déifi-cation du moyen pour le moyen. C’est la peinture vénitienne qui, la première, a su « usurper en riant les hommages divins », dus seulement à l’idée et à l’expression. La beauté de l’exécution, la puissance du peintre, le talent, c’est à quoi elle noirs a appris à penser avant tout. Les Florentins s’effacent derrière leur idée, on les oublie. La pen-sée métre de la virtuosité, la prit-on au sens le plus élevé, leur fait injure. Essayons de l’évoquer devant Masaccio, Botticelli, Lippi, l’Angelico, et nous nous retiendrons en rougissant. Il nous sem-blera misérable et risible de parler du talent de ces hommes, de leur savoir-faire leur technique nous reste mystérieuse à force de simplicité su-blime, et nous sentons bien qu’il ne peut s’agir de cela, que la leçon est tout autre. A Venise, au contraire, nous nous extasions sur le talent énorme, sanctuaire règne partout : à Venise,on s’exclame et on s’étonne sans retenue. Le Dieu de Florence, c’est Dieu, mais le Dieu de Venise, c’est Venise elle-mène. Il y a le souvenir des processions sacrées d’Eleusis ou des hypogées égyptiennes dans la fresque florentine; il y a celui des cortèges de Xerxès ou d’Elagabal dans la décoration véni-tienne. L’aspect des deux villes précise le parallèle. A Florence, tout est pensée lucide, tout a la solidité et la netteté des assises de la Signoria ou du Dôme, telles qu’Arnolfo di Cambio les voulut. La sévérité guerrière des palais florentins et de Sainte-Marie des Fleurs laisse entrer graduellement une dou-ceur infinie dans l’aine qui l’accepta dès l’abord. On peut parler d’art à Florence, étudier les musées, discuter les procédés abandonnés par les modernes; toujours une évocation, celle de la foi, celle de la prière, domine les débats de l’esprit. A Venise, au contraire, tout est sensation trouble. Tout s’écroule t49