L’ART ET LES ARTISTES penserait; mais la qualité d’âme reste quand même si illégale ici et là, ou plutôt l’âme est tellement essentielle à Florence et secondaire à Venise que, dés l’abord, les deux cités le démontrent au pas-nobles, la plus noble peut-être, que le monade ait jamais connue, et la fleur même de la chrétienté. Elle a créé un art d’un symbolisme souverain, qui a été un immense acte de foi, tout enivré du mys-BASILIQUE 1)E SAIXT-NIARC (DU X. AU xv’ SIUCLE) sant. A Venise, il s’agit d’admirer; à Florence, on révère : tout y est émotion du coeur et de l’esprit. A Venise, tout est sensualité magique et amère. Venise représente avec une éloquence incroyable l’évolution déclinante d’un idéal religieux trans-mis par Florence et lentement désagrégé par l’ad-jonction de l’orientalisme, par le scepticisme, par la volupté. Quand l’art florentin s’est détourné de Dieu, après André del Sarto, il a cessé : il avait tout dit. L’art vénitien n’a pas cessé : n’ayant plus rien à dire, il ne s’est pas tu, il s’est répété, et il a fini misérablement dans la facilité. L’art de l’âme a expiré en silence, mais l’art de la chair s’est cor-rompu. La sainte Florence est morte, mais la cour-tisane Venise s’est décomposée. L’une s’est glacée et embaumée dans le vent violent et pur de l’Apen-nin; l’autre s’est défaite, fardée et couverte de postiches, dans l’exhalaison ardente de ses eaux vénéneuses. La civilisation de Florence a été une des plus tère métaphysique, de Giotto, qui est la croyance candide, à Léonard, qui est la sagesse méditante. La civilisation vénitienne a été le résultat d’une prodigieuse accumulation de richesses, concentrée sur un point isolé et singulier par des négociants et des marins aussi avides, aussi habiles et aussi âpres que les Puniques. Reliés aux Byzantins et aux Turcs, ces serai-orientaux ont été, avant tout, des jouisseurs égoïstes, des matérialistes autant que des superstitieux. Pour eux, l’art a été un des signes de la force de l’or; pour les Florentins, il a été le signe de la foi, un hommage constant au divin. L’art vénitien tout entier rend hommage à la vie. Il enivre, il délecte, il enthousiasme, il n’élève jamais. Les moyens ont répondu à la conception. C’est la peinture à l’huile qui a révélé les peintres véni-tiens à eux-mêmes et, par cette matière nouvelle, l’esprit lui-même de la peinture a changé. Avec les Vénitiens, la sensualité de cet art est née. Tout