L’ART ET LES ARTISTES à la protection du prince Tasca di Cuto, député, il put consacrer les loisirs que lui laissait son emploi dans une librairie à dessiner des caricatures pour le fameux journal socialiste sicilien, La Battaglia… quand, soudain, une maladie grave le force à réin-tégrer le foyer familial. Sitôt guéri, il se fixe à Florence et entre dans une typographie dirigée par un cousin du peintre Galileo Entre temps, il fait un peu de pein-ture, beaucoup de dessin et des illustrations de romans populaires, paraissant en livraisons, et il se lie d’étroite amitié avec deux hommes à qui, me disait-il, il doit d’être devenu un artiste, le caricaturiste Enrico Sachetti et le futur auteur de la Cena delle Beffe, Sem Benelli ; tous deux l’encouragent, lui communi-quent l’enthousiasme dont ils étaient eux-mêmes possédés et le poussent à se consacrer uniquement et défini-tivement à l’Art. Ils parcourent ensemble les musées et les églises, s’exaltent ensemble à tous les spec-tacles d’élégance, de raffinement, qui font de la rue florentine un incomparable décor… et Andreotti devient sculpteur. Chini organise une exposition d’art toscan : c’est là qu’il affrontera pour la première fois le jugement du public avec des plâtres patinés et des terres cuites; puis, l’année sui-vante (1905), il expose à Venise. Il a trouvé sa voie et il s’y lance avec la décision et l’énergie pas-sionnées qui le caracté-risent ; l’on dirait qu’une force exté-rieure à lui-même l’entraîne; il travaille avec acharnement, avec rage. Tant et si bien que lorsqu’au mois de septembre 19o7, sous le patronage de la Société Dante Alighieri, la galerie Grubiry de Milan orga-nise dans la serre de l’Alma, au Cours-la-Reine, la première exposition d’art italien moderne qui ait eu lieu à Paris, on l’y voit représenté par une qua-rantaine de morceaux statues et statuettes, pla-quettes et médailles. Quelques amateurs éclairés — il en est donc encore qui ont l’audace et le bon goût d’aimer autre chose que l’incohérent, l’informe et le bar-bare! — des écrivains d’art, parmi lesquels je m’honore grandement de n’avoir pas été le dernier, remarquent les envois du jeune artiste et lui font fête. En 1909 et en 1910, aux Salons de la Société Nationale des Beaux-Arts et aux Salons d’Automne où il est admis, son succès s’affirme, son talent s’impose: les maîtres de la statuaire française lui tendent la main ; Rodin, Desbois, Bourdelle, Dampt lui témoignent de la sympathie. Il s’est fixé à Paris : travailleur infatigable, chercheur intrépide et enthousiaste, son tempérament bouillonnant, sa nature fiévreuse apprennent peu à peu à se dominer ; sans rien perdre de ses qualités natives, il se modère et se disci-pline; l’atmosphère française agit sur lui. L’on verra bientôt, à l’expo-sition de ses œuvres qui doit avoir lieu chez Bernheim pendant la seconde quinzaine d’avril, les pro-grès accomplis par Li bers Andreotti dans le sens que je viens d’indiquer et comment il a tenu déjà toutes les promesses de ses débuts et l’on aura plaisir à constater qu’il ne doit pas seulement sa réussite, relative-ment rapide, à la seule séduction, au seul charme de sa sensibilité d’artiste — ce dont, d’ail-leurs, il n’au rait point à rougir, —mais à la fer-meté, à la solidité, à la profondeur de son talent, et que ses dons d’imagination, ses facultés inventives, l’espèce de fièvre créatrice dont il est agité, son lyrisme, en un mot, ne réussissent à tant nous captiver que parce qu’il possède les moyens d’expressions les plus souples, les plus nerveux, les plus hardis, les plus frémissants et pénétrés de vie, les plus adé-quats ,aux idées et aux sensations plastiques qu’il veut leur faire traduire. Jamais, même dans les œuvres de ses débuts, VICOMTESSE HENNEST JANZÊ 213