L’ART ET LES ARTISTES reflète avec fidélité la gaie mélancolie, la joie sourde, si typique et si singulière du caractère andalou. L’examen de ses œuvres, quelque peu sombres et comme bilieuses, fait deviner son milieu, son pessimisme, son chagrin entremêlé d’ironie, cette note également si spéciale au caractère andalou. Les trois traits les plus saillants de cet artiste sont le pessimisme, on pessimisme que l’on pour-rait peut-être appeler organique, si l’on en juge par son caractère et qui transpire dans ses créations, l’humour qui si souvent pal-pite dans ses compositions et le « dra-matisme Ces trois notes, quoi-que hétérogènes à ce qu’il semble, peuvent se résumer en une qualité, celle de l’expression. Posséder ce don suprême, voilà ce qui séduit Valdès Leal, qui le fascine, mais aussi voilà le don que nul, dans son école, n’a su posséder comme lui. Lorsqu’on a reconnu chez lui cette indépen-dance artistique et, par suite, sa personnalité, on peut enfin nier chez lui les influences aux-quelles d’aucuns pré-tendent qu’il ait obéi et qui l’auraient dévoyé dans ses projets et dans sa manière. Sa hardiesse en pein-ture est très grande, comme le démontre l’emploi des tons rouges, un rouge tout spécial, qui lui est propre, et dont il se servait avec une maîtrise si savante et si hardie. L’usage des tons gris le rapproche du Greco et de Vélaz-quez ; mais celui des tons intenses et dorés le sépare d’une manière absolue de tous les peintres espagnols, et toutes les opinions s’accordent ici à reconnaître en lui un coloriste de premier ordre. Les tendances qu’il manifeste à propos de la décomposition des couleurs et la réflexion des tons démontrent une observation profonde de la nature et le font (dans cette orientation picturale de la lumière et de la couleur), anticiper de plu-sieurs siècles sur ses contemporains; il aborda, en un mot, dès son époque, le problème qui préoc-cupe tant aujourd’hui les coloristes. Les documents où l’on mentionne Valdès Leal sont fréquents et intéressants dés l’année 1657. Depuis lors, on peut suivre sa vie et constituer sa biographie avec des éléments positifs, tandis que, par contre, auparavant, tout était hypothétique et contradictoire. Par un heureux hasard, son oeuvre artistique ne commence à être importante qu’à cette époque, ce qui rend son étude à la fois pos-sible et assez complète. Il faut déplorer qu’il n’en soit pas ainsi de son enfance et de ses années d’apprentissage. Il naquit en 1630, on ne sait pas exactement si cc fut à Séville ou à Cordoue. Il s’appelait Juan de Nisa Valdès, niais comme beaucoup de ses con-temporains, Vélazquee entre autres, il prit le nom de sa mère et donc se fit appeler Valdès. On le désigna toujours depuis sous le nom de Juan de Valdès Leal; c’est ainsi qu’il signait ses tableaux; c’est ainsi également que nous l’appelons, et ce sera enfin son nom devant la postérité. Très jeune, presque enfant, à Cordoue où s’écoulèrent les années de son adolescence, il manifesta des disposi-tions artistiques. Dans sa première œuvre con-nue, il offre des analo-gies avec Herrera le Vieux. Il s’agit d’une figure de saint André, conservée dans l’église de Saint-François, à Cordoue, et qu’il peignit à l’àge de dix-neuf ans. Dans cette œuvre, comme dans n’importe quelle autre de l’époque,i1 fait preuve d’une étude appro-fondie de la nature en même temps que de dureté et de lourdeur dans l’exécution. Il est un repré-sentant de plus, ut non des premiers, du natura-lisme artistique andalou. En 1653, il peignait les tableaux destinés au couvent de Sainte-Claire, à Carmona, où ils se trouvent encore. Les années 1657 et 1658 sont d’une importance capitale quant à sa production. ASSONIPTION 208