L’ART ET LES ARTISTES des passions, et, sans sortir du cadre de l’histoire religieuse, e introduisant le conflit moral, depuis le meurtre et la brutalité purs jusqu’aux affres de la conscience et aux effusions du repentir. C’est d’abord, à Saint-Jean-l’Evangéliste, un Massacre des Innocents, où la critique a prétendu retrouver la trace des souvenirs du sac de Brescia. Rien n’est pourtant plus académique, plus compassé que cette scène de meurtre, où les égorgeurs casqués, aux belles cuirasses souples, et les mères éplorées leur disputant leurs enfants, luttent d’attitudes élégantes et de gestes arrondis. La Récolte de la Monne dans le Désert (à Saint-Jean-Evangéliste) traduit les affres de la faim et la hâte sauvage des Hébreux à recueillir l’inespéré butin par un spectacle désordonné et confus assurément, niais sans rien de cette joie fébrile, presque convulsive, que com-mandait le sujet. Le Vol et la Chute de Simon le Moelcien (à San Cristo), offrent chez les spectateurs des expres-sions et des attitudes justes, mais, chose sin-gulière, les spectateurs, que menace directement la chute de cet aéro-lithe vivant, ne finit aucun effort pour l’évi-ter. Concluons de ces remarques que le senti-ment dramatique faisait défaut à Moreno, quel-que effort qu’il mit à y atteindre. Il y a pourtant une grandeur sauvage dans le paysage déchi-queté, ans ombres profondes, où Elie elld Or /Hi semblable à quelqu’un des géants de la Sixtine, reçoit, sans se réveiller encore, l’attouchement de l’ange, merveilleux éphèbe d’une grâce et d’une majesté surnaturelles. Mais ce qui convient avant tout à Moretto, c’est l’expression des sentiments tout à la fois profonds et tranquilles, La Che (à San Giovanni Evange-lista) respire une sérénité recueillie, une onction intense, malgré la robustesse athlétique des per-sonnages, et la Madeleine lavant les pieds dn Christ (à Santa Maria in Calchera) est une des interpré-tations les plus touchantes qu’on ait données de l’humilité du repentir, avec sa belle fille en robe de satin qui, les cheveux pendants, les yeux pleins de larmes, embrasse les pieds du Sauveur, et le geste de divine indulgence de ce dernier, montrant au Pharisien, son hôte, la brebis égarée dont il a déjà fait son élue. On est encore dans l’ordre des sentiments doux et recueillis, s’extériorisant à peine, avec le tableau où saint Nicolas, vieillard cordial et caduc, pliant sous ses habits sacer-dotaux, conduit à la Vierge, placée sur un haut piédestal convoie une statue qui s’anime-rait, les bambins qu’il lui a voués en recon-naissance du miracle accompli par son organe. Il ne se peut rien de plus charmant que cette scène; le geste tout paternel avec lequel le saint conduit les en-fants, nullement inti-midés d’ailleurs, et très fiers l’un des jouets et des friandises qu’il tient, Faim’: d’être le porte mitre de (évêque, et que, l’effusion du Jésus en chemisette caressant la joue inclinée de sa mère. Le coloris, dans ses tonalités chaudes, avec les ors, les verts bruns, la pourpre des vêtements, jouant sur le gris fin des architec-tures, est aussi un dé-lice. Cet ouvrage ac-compli est de 1539. Une seule toile du maitre peut rivaliser avec lui, la Sainte Justine du musée de Vienne, par des qualités d’ailleurs tout autres. C’est peut-étre le plus connu des ouvrages de Moretto ; nul n’a oublié la beauté grave de cette figure de femme aux formes opulentes, en robe de satin rose à écharpe bleue, drapée d’un manteau orange à ramages noirs, écoutant, dans un magnifique paysage de montagnes, une licorne blanche à sa droite, l’imploration d’un homme agenouillé, qui semble lui exprimer un amour tout profane, et qui n’est que le donateur révéren-oh°, LA Mina, i . : i clics cle SI-Clévreed MADONE, L’ENFANT JÉSUS ET DES SAINTS t99