L’ART ET LES ARTISTES à genoux, couronnée par son fils qui. le torse nu, s’incline vers elle, les jambes drapées de bleu, le diadème à la main, dans l’attitude de la plus tendre vénération, au milieu d’une guirlande d’angelots en prière. En bas, vis-à-vis de saint François et de saint Clément, qui contemplent la scène avec extase, devant saint Joseph modestement recueilli au second plan, saint Michel, sa tunique d’un vert doré relevée sur sa jambe nue, perce un démon de sa lance, avec une aisance dédaigneuse que re-haussent encore le type presque féminin et le galbe délicieux de l’archange. La composition nage dans une tonalité d’un blond chaud qui !éclaire de loin la muraille. Toutes les qualités de l’artiste sont là comme sublimées : charma, distinction, suavité, sans nulle fa-deur, grâce au grand accent en demi-cercle que donnent la chape orfévrée de l’évéque et à la coloration soutenue des vêtements de Marie. Titien, en ses plus beaux jours, se Rit fait honneur de cette toile. Parmi les variantes les plus heureuses de cette disposition est celle de Saint-Georges-Majeur, à Vérone, où la Vierge, trônant de face sur un nuage, dans l’ampleur de son man-teau relevé des deux côtés par des chérubins, s’absorbe, brune et mé-ditative, au-dessus d’un groupe de bienheu-reuses qu’accidentent très à propos l’agneau de sainte Agnès et le petit orgue de sainte Cécile. L’arrangement, très différent, n’est pas moins trouvé dans la toile de Saint-Clément. Les saints du bas sont groupés dans un hémicycle à colonnes sur lequel se détachent la chape et la mitre du pontife et la splendide armure à reflets dorés de saint Florian. Au-dessus, entre des guirlandes de myrte et de lys tenues par des angelots, la Vierge, en magnifique robe de damas, s’incline, pour présenter l’enfant, avec une grâce sérieuse et fière. Cette toile splendide illumine, comme le dit M. Gabriel Faure, toute 1:1 nef. Ce serait une étude fort intéressante que celle des procédés et des artifices, souvent heureux, par lesquels le peintre s’est évertué à différencier, de toile en toile, le type, la pose et le costume de ses vierges. La figure est le plus souvent pleine, le menton gras, le cou large et onduleux ; mais cette robustesse foncière, Moretto excelle à la diversifier par mille artifices de toilette et de coiffure. Le voile, jeté de biais, cache une partie de la coiffure, recouvre souvent l’oreille; les cheveux, toujours traités par masses, sont tour à tour ondulés, nattés, et viennent souvent se jouer sur la gorge, que recouvrent pudiquement de belles mains do-dues aux doigts écartés. Tout cela donne à la Vierge un air de santé robuste, parfois presque paysanne, qui a été reproché au peintre par ceux qui ne séparent pas la distinction de la min-ceur et de la transpa-rence. C’est là pure affaire de goût, et de goût infiniment varia-ble selon les lieux et les époques. Moreno avait ses préférences , comme Titien et Véronèse; l’essentiel est qu’il ait réussi à doter ses figures de femme d’un can, tère, d’une harmonie logique et soutenue, et que dans la gamme de types et d’expressions qu’il affectionnait, il ait su introduire des va-riantes heureuses, de piquants contrastes. Nul de ceux qui ont vu, au château des Sforza, à Milan, la Sainle Ursule el ses Compagnes, ne lui déniera ce talent. Si la jeune princesse a le type plein qu’il affectionne entre tous, on ne peut contester à l’avant-dernière figure à droite un caractère de tête bien différent, dont la coiffure crespelée, l’inclinaison un peu mièvre sur l’épaule, comme l’allure affaissée du corps, ravirait nos esthètes, en quête d’attitudes précieuses et d’expressions rares. Mais il est un groupe d’ouvrage d’un sentiment tout différent, où le recueillement dévot fait place à l’action vivante. Ce n’est plus ici la contempla-tion pure qui est en jeu. Un drame se déroule, mettant en présence des caractères, des intérêts, SAINT NICO BREsENTANT ans E Br,tria Galet ir Martine,. LAS DE BARI NFANTS A LA VIERGE 198