L’ART ET LES ARTISTES James. Pendant la Révolution, privé de ses res-sources habituelles, il fonda des manufactures de papiers peints, de cartes à jouer, de porcelaine, qui toutes firent de mauvaises affaire et, en t799, s’exila à Madrid, d’où il ne revint qu’a la Restau-ration, époque à laquelle il devint dessinateur au Mobilier de la Couronne; il mourut enfin à Paris en 1825. La vie de ces deux artistes, qui commence sous l’ancien régime, se continue sous l’Empire et s’achève sous Charles X, l’énumération de leurs oeuvres, qui s’adressent indifféremment aux uns et aux autres, montre bien qu’au point de vue de l’éducation artistique, il n’y a pas de solution de continuité entre le et le début du xtx’ siècle. Percier, Brongniart, comme David, ont fait leurs études dans les ateliers du temps de Louis XVI. Saint-Ange est leur élève. Dugoure, lui, a été à Rome, a collaboré aux grands travaux exécutés à la veille même de la Révolution. C’est dire que leur culture est classique, traditionnelle, et cela se voit de reste dans leurs compositions. Saint-Ange, et surtout Dugoure, sont des adeptes fervents du néo-grec. Le néo-grec, ou plus exactement le néo-pompéien, c’est la loi du style Louis XVI. Le style Empire, le style Restauration sont l’adaptation du style Louis XVI à des besoins nouveaux, à des modes nouvelles : moins de coquetterie, moins de mièvrerie, peut-être plus d’arn pleur dans les formes, plus de gravité, une inspira-tion plus directement tirée de t’antiquité. Cela, ce sont les tendances générales; à feuilleter l’album des planches aquarellées par Dugoure et Saint-Ange, on voit quelle variété, quelle ingéniosité, quelle souplesse ils ont apportées à leur tra-vaux; leur oeuvre se renou-velle sans cesse, non par de brusques à-coups, mais har-monieusement; elle évolue et donne l’impression d’une belle vie qui se continue tout à la fin de sa carrière, en r 825, Saint-Ange Com-pose le tapis offert par le Roi au Chapitre de Notre-Dame de Paris, pour le choeur de cette église, et l’on y devine l’éveil de son goût pour le style gothique, qui va rede-venir en faveur. Pour ce qui est du dessin, on ne saurait trop louer l’ingéniosité, la liaison des motifs, leur combinaison en une lente, niais sùre arabesque de lumière ; il en résulte une belle forme, grasse, aine impression de puissante har-monie. qui. n’exclut pas les délicatesses de détail ; par certains côtés, on voit à quel point ces artistes ont été impressionnés par le style Louis XIV; tel motif d’un casque à plumes traversé par un glaive me fait penser aux trophées du palais des Inva-lides. Chaque objet en lui-même est d’une éton-nante justesse ; un jardinier reconnaîtrait les plantes, un armurier les armes qui entrent dans certaines compositions : ce qui prouve bien que ces gens aimaient la nature, et trouvaient le moyen de la concilier avec leur recherche arbi-traire de l’ornement. Enfin le trait n’est jamais là pour lui-même; on a bien l’impression que l’artiste songe à la matière, laine ou soie, à la difficulté manuelle, et ses dessins ont déjà l’apparence touffue et cependant nette d’un beau tapis. Quant à la couleur, les planches nous montrent que la théorie des complémentaires, devinée par tant d’artistes, y compris Rubens, formulée par Chevreul, appliquée et généralisée à la suite de Delacroix, n’était pas universellement acceptée. On sentait déjà au temps de Saint-Ange et de Dugoure, bien avant les ballets russes, le besoin de renouveler l’éternelle opposition du jaune et du bleu, du rouge et du vert. de réveiller l’appétit des yeux par de nouveaux rapprochements, hardis et savoureux. On remarque, dans leurs tapis, des voisinages de vert et de violet, de violet et de jaune. L’harmonie de ces tons, qu’on n’est pas accoutumé à regarder ensemble, tient à la qualité du ton pris en lui-même et à hi teinte végétale, sans la-quelle il n’y a pas de cou-leur vraiment belle. Le styler et les stigmates du safran ont donné ces beaux jaunes si nourris; le tournesol le bleu violacé; le pastel un ton jaune très fin ; la garance le rouge; on a obtenu avec le persicaire, un bleu ana-logue à celui de l’indigo ; et ces roses fugaces, qui pour-raient farder une ingénue libertine, on les a pris aux fleurons du carthame. I.. SAIN DESSIN D’ (POUR LE SOLO AU PALAIS DE F UN FCR AN N DE MONSIEUR ONTAINERLEAU) 132 LEANDRE VAILLAT.