L’ART ET LES ARTISTES MIGNARD — LA VIERGE A LA GRAPPE qu’on doit cet ensemble extraordinaire de Versailles, qui produisit une impression si profonde sur l’art de toutes les cours de l’Europe et méme de l’Asie, et, avec l’aide de Séguier ou de Colbert, la fonda-tion de l’Académie royale (1648), de l’Académie de France à Rome, de la manufacture des Gobelins, et de toute cette imposante administration des arts, sur laquelle nous vivons encore en partie de nos jours. Nature autoritaire, esprit d’ordre, de mé-thode et de volonté, tempérament actif, énergique, laborieux, il gravit de degré en degré tous les éche-lons de la hiérarchie artistique qu’il avait aidé à fonder et fut longtemps le maitre absolu et le di-recteur obéi de toute la production artistique. Charles Le Brun naquit à Paris en février 1669, d’un père qui était sculpteur assez médiocre; il eut quatre frères, dont deux furent peintres comme lui. Sa précocité fut signalée au chancelier Séguier qui se chargea de l’éducation de l’enfant. Il fut élève de Simon Vouet dont l’influence se marqua longtemps dans ses travaux, puis il fut envoyé à Rome où il tra-vailla avec acharnement. Il con-nut là Poussin, de qui il ne com-prit pas le génie, mais de qui il recueillit les enseignements. Rentré en France, il reçoit nom-. bre de commande pour des églises ou des particuliers sur lesquelles il continence à établir sa réputa-tion. Il travaille d’abord pour Olier, directeur de Saint-Sulpice, puis pour le président Lambert, enfin pour le surintendant Fou-quet, à Vaux-le-Vicomte. C’est là qu’il montre ses premiers dons exceptionnels de décorateur et d’ordonnateur de fétes. A la disgrâce de Fouquet, il sut s’at-tacher habilement au roi et à son nouveau ministre et il ne cessa, jusqu’à l’arrivée de Lou-vois au pouvoir, d’être le pro-digieux instrument de toutes les merveilleuses créations de ce temps. Mais à la mort de Col-bert, son rival détesté, Mignard, le remplaça dans la faveur royale et Le Brun mourut, déchu et blessé, après une vie extraordi-nairement remplie, le t2 février I69o. Le Louvre garde de ce maitre vingt-trois peintures, parmi lesquelles les célèbres Ba-tailles d’Alexandre, et sans compter les décorations de la voùte de la galerie d’Apollon. Le rival qui prenait sa place, Pierre Mignard, ne recueillait guère ces honneurs tant désirés, qui pleu-vaient en un jour sur lui, qu’à un âge fort avancé. Il avait alors 78 ans. Mais il avait eu la patience d’attendre. Seul il avait résisté à la domination toute puissante de Le Brun et lui avait opposé, à l’écart, dans le milieu choisi de grands seigneurs et d’hommes de lettres où il était acceuilli avec faveur — il fut intime de Molière — une indif-férence hautaine et le prestige de ses succès mondains basé sur un talent plus affiné et plus flat-teur. Pierre Mignard était né à Troyes en t 6Io; on le destinait à la médecine, mais il obtint de suivre 126