L’ART ET LES ARTISTES EL ,TACHE Lit t LP.LR SAINT BRUNO EN PRIERE DANS SA CELLULE PRIE DIEU DE FAVORISER LE NOUVEL ÉTABLISSEMENT QU’IL VA FONDER. DEUX RELIGIEUX COMMENCENT A DÉFRICHER LA TERRE notre école, mais dans cet ordre d’idées, à côté de la personnalité originale de Jacques Callot, qui appartient plutôt à l’art de la gravure, il y a des figures autrement extraordinaires pour leur temps et importantes pour l’histoire par leur gravité, leur tenue et leur sincérité e ce sont les physionomies, incertaines encore sur bien des points, des frères Le Nain. On sait qu’ils sont trois frères, Louis, Antoine et Mathieu et qu’ils sont nés à Laon vers la fin du xve siècle; ils y travaillèrent sans doute sous la direction de quelque peintre flamand, puis, vers 1629, vinrent à Paris où ils s’établirent ensemble. Ils obtinrent prés de leurs confrères un vif succès d’estime, puisqu’ils furent admis à l’Académie tous les trois. Les deux aînés moururent à quelques jours d’intervalle en 1648, le dernier, Mathieu, vécut jusqu’en 1679. On ne peut distinguer la part qui re-vient à chacun d’eux dans l’ceuvre commune. Ils ont peint des por-traits, des sujets religieux et sur-tout des scènes de la vie réelle. Nombre de grands musées en pos-sèdent. Mais il en est deux au Louvre d’un sobre et grand carac-tère, qui tranchent par leur gravité, et même par une certaine âpreté triste, avec la compréhension des Flamands; c’est plus près du réa-lisme de l’Espagne, et c’est, à l’avance, la compréhension mo-derne, sympathique, émue et grave de la vie des humbles comme la développera avec une ampleur inconnue notre contemporain Millet. La Forge et Le Repas des Paysans sont des oeuvres tout à fait typiques. La deuxième moitié du siècle correspond au règne de Louis XIV, à la période de sa grande série de conceptions architecturales et artis-tiques servie par le zèle de son ministre Colbert et par le talent et la prodigieuse activité de son pre-mier peintre Le Brun. Ce sera, sous l’autorité de ce maitre, une période de grande unité qu’on ne retrouvera plus que sous le règne de Napoléon et avec le prestige de David. Mais de ce milieu, disci-pliné, hiérarchisé, et embrigadé dans les grands travaux de la couronne se détache, comme toujours en art, car l’art est surtout fait d’indépendance et de personnalité, quelque indivi-dualité isolée, réfractaire par tempérament plus que par volonté, à cette sorte de domestication du talent. C’est ainsi que Prudhon se développera dans sa grâce et sa langueur voluptueuse près de David, c’est ainsi que, près de Le Brun et à côté de l’école qu’il a assujettie, se détache, dans une pé-nombre discrète, la délicate, sensible et tendre figure d’Eustache Le Sueur. On a conté bien des légendes sur la vie de ce maître qui fut fauché en pleine force, puisqu’il mourut à trente-huit ans; légendes sur sa préten-124