L’ART ET LES ARTISTES LA PLACE DE NOHANT : SORTIE DE L’ÉGLISE (TAPISSERIE EN LAINE) ces mêmes laines mauves, d’un mauve cachou. Le procédé ? La plus humble, la plus ignorante des paysannes peut l’employer. C’est la broderie pleine à points lancés, mais exécutée avec un soin, un souci de perfection qui rappelle avec à-propos à nos saboteurs professionnels la probité des vieux artisans. Qu’y a-t-il donc dans ces tapisseries qui force et, surtout, qui retienne l’attention ? Précisément l’accord parfait entre le dessin et l’exécution. Fernand Maillaud a vu le détail et l’ensemble, le détail très simplifié, l’ensemble considéré de loin, pour ainsi dire du haut d’une colline, dans ses combinaisons de formes et de lignes. Mais, surtout, ces tapisseries suggèrent une succession d’idées sereines, reposantes : elles évoquent une vie de solitude laborieuse et patriar-cale. On y revoit les choses comme au temps jadis. Une ondulation de terrain, au fond de laquelle court un chemin creux, une traille. Une fileuse, restée avec l’âne, vers la maison où s’élève un peuplier. Son fuseau a la forme du peuplier, le peuplier a la forme de la quenouille. L’âne penche ses naseaux fins vers le trèfle, vers les chardons bleus que nous mettons, nous, dans de jolis vases en grès de Verneuil ; une croix noire, veloutée, se détache sur sa robe grise, comme au milieu d’une chasuble. La jeune fille, qui semble écouter des voix, tient d’une main sa quenouille, autour de laquelle la poupée de chanvre est fixée par un ruban; de l’autre main, elle tire et tord la filasse qu’elle mouille de sa salive et qui, une fois transformée en fil, va s’enrouler autour du fuseau, auquel elle im-prime un mouvement de rotation. La quenouille vous rappelle sans doute le rouet, un de ces jolis rouets en poirier et en chêne, avec leurs montants fuselés, leur godet, leur haute bobine et la giroinde, cette roue de bois aux rayons terminés par des chevilles, qui sert à dévider les écheveaux et que peut-être vous avez vue dans les tableaux de Char-din. Maintenant, cette bergère, en gardant son âne, se sert du fuseau qui lui permet d’aller et de venir aux champs, tout en filant; tout à l’heure, à la nuit, au coin du foyer, elle se servira du rouet, l’honneur de la maison qui, trop souvent de nos jours, dort, couvert de poussière, dans quelque grenier silen-cieux, et devant lequel, autrefois, les aïeules s’asseyaient, comme les princesses dans les contes de fées. Ailleurs, c’est une sortie de l’église de Nohant. Des femmes, enveloppées de leur mante, le visage encapuchonné d’un bavolet, encadré de blanc, récoltent des nouvelles sous le porche; elles se communiquent leurs recettes et leurs superstitions : « II ne faut pas filer le jour de sainte Agathe, car an risque d’avoir des enfants fous_ n Ou bien « Quand 130