LUDWIG VON HOFMANN DISONS tout d’abord qu’à notre avis le cosmopo-litisme s’avère la moins pardonnable de toutes les fautes contemporaines. Les expositions, de plus en plus énormes, auxquelles Paris a fini par accou-tumer le monde, constituent un danger autant pour les artistes que pour le public. Le peintre, le sculpteur, l’architecte et la modiste en France, le musicien en Allemagne et le tailleur en Angleterre n’ont que trop bien réussi chacun chez soi à détruire le caractère national de l’art, partout où ils ont porté leur commerce. L’artiste ne doit pas regarder l’art ni la vie comme un journal de modes, en choisis-sant le genre qui lui ira le mieux, ni comme un marché où il peut lancer une affaire de ruines dont il tient lui-même le plus grand nombre d’actions. Il. est simplement un amoureux, qui retrouve dans les beautés extérieures du monde la grandeur et la beauté essentielles. Sa foi dans cette Beauté est si forte qu’il ne peut lui rester au coeur aucun doute sur la signification suprême de la vie. La dignité et la grandeur des choses lui suffisent et il discerne, comme l’amoureux sur le front radieux de sa bien-aimée, l’âme I I I la plus profonde et la plus exquise. Aussi sa vie se passe-t-elle à essayer de suggérer quelque chose, si peu que ce soit de sa passion pour cette beauté qu’il considère comme la moralité la plus signifi-cative qu’il connaisse. Il dédaigne perdre son temps et ses forces à des choses qu’il juge sans grandeur et indignes d’un travail ardent et sincère. Fixer sous une forme aussi nette que possible ce qu’il a trouvé de valable et de beau dans son pélerinage à travers l’existence, donner la vie la plus saine à ce qu’il façonne, pour que la force de la beauté s’y fasse sentir, voilà toute sa tâche. C’est en l’accomplissant qu’il est un artiste. Dans toutes les époques, les rois et les prêtres se sont aperçu clairement de la grande utilité qu’ils pouvaient tirer de cette foi propre aux artistes et ils n’ont jamais hésité à s’en servir. Ce n’est que quand leur pouvoir s’affaiblissait qu’ils étaient rem-placés par les amateurs capricieux, les amateurs qui, au lieu de laisser aux artistes leur grand privi-lège de montrer l’homme et la nature sous ses aspects les plus nobles, exigeaient non la beauté niais la flatterie, la flatterie de leurs propres per-