L’ART ET LES ARTISTES DÉCOLLATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE et d’Athéna, les deux rivales, sont de plantureuses et complètes manifestations. Dans le drame de Pyrame et Thisbé, dans La Salomé, dans ce dessin représentant Le Bain de Bethsabée du musée de Bâle, une expression d’élé-gance faite du sourire et de la beauté des femmes, une audace d’invention, un libre souffle de fan-taisie, se greffent sur une formule allemande et fait fleurir sur son austère réalisme une sorte de grâce attendrie. Cette lointaine influence italienne, au lieu d’atténuer la personnalité de l’artiste, l’accuse encore davantage, et on constate sans effort que son originalité, si séduisante dans les oeuvres que nous avons mentionnées plus haut, s’éteint dans une habileté de métier froide et lourde, rap-Musée de Berne. pelant l’école d’Augsbourg, lors-qu’il oublie le passé lointain pour peindre ses volets d’autel, conservés au musée de Berne, et représentant l’un saint Luc, pa-tron des peintres, assis devant un chevalet et peignant la Madone, l’autre, la naissance de la Vierge, ce dernier d’une naïveté non dépourvue de charme. Le musée de Berne possède encore deux panneaux d’un très riche coloris, où l’artiste nous fait assister à une Décapitation de saint Jean-Baptiste, semée de curieux et charmants anachro-nismes, et à un Combat de Géants, peinture inachevée et en assez mauvais état, mais pleine de mouvement et de couleur et à laquelle il a donné pour fond une de ces cités de rêve, si chères aux vieux maîtres de la haute Allemagne. Ces deux der-nières œuvres sont assurément d’inspiration teutonique, mais cependant d’un mouvement très vif et d’une couleur ardente qui les apparente à certaines pein-tures des quatrocentistes italiens. Dans Le Combat de Géants, où Nicolas Manuel a donné un libre cours à son humeur guerrière en mettant aux prises, dans une terrible mêlée, des cavaliers bar-dés de fer et follernent empa-nachés et des lansquenets gigan-tesques, on croit deviner, à travers les notes des armes et des costumes se détachant dans la somptueuse tonalité générale du tableau, la mystérieuse in-fluence de Paolo Ucello, entrevu peut-être jadis. Ce même musée possède encore deux portraits d’hommes, signés du monogramme de l’artiste. L’un serait l’image de son père et l’autre, celle d’un jeune homme inconnu. Ces deux peintures, mal-heureusement détériorées, sont d’une rare intensité d’expression. Mais, de toutes les oeuvres mentionnées plus haut, aucune n’égale Le Jugement de Paris, toile inoubliable, où le maître a mis le meilleur de lui-même et où toutes ses qualités natives, où toute la technique si sas-ante de son art, où, en un mot, toute sa puissante et originale personnalité se révèle triomphante. C’est un chef-d’œuvre. ‘oh