C’est l’opinion émise, avec un accent d’affirmation très commu-nicatif, par M. J. Baechtold (1878), un des biographes les mieux ren-seignés sur Nicolas Manuel, et recueillie par André Eschbaecher, dans son excellente notice sur la Danse des Maris, du couvent des Dominicains. D’ailleurs, jusqu’à la date de son mariage, il porta le nom d’Alaman, et, sur la plupart des catalogues, son nom figure ainsi libellé : Nicolas Manuel dit le Deffich. Son mono-gramme est fait d’un N, d’un M et d’un D, reliés ensemble et soulignés par un poignard, symbole, sans doute, de sa vie guerrière. L’histoire de la jeunesse et de l’éducation de Manuel ne repose encore que sur des conjectures. On ignore quels furent ses premiers maîtres et si Fischart présume qu’il sortit, comme Holbein, de l’atelier d’Albert Durer, le docteur Gru-neisen lui donne comme maître Martin Schoengauer, tandis qu’un autre de ses historiographes suppose qu’il apprit de Hans Frien les principes de l’art. Où est la vérité ? Enfin, Samuel Scheurer (t743), se basant sur une citation de Vasari, prétend que le Titien eut un élève nommé « Emanuele Tedesco » et en déduit que Manuel Deutch n’est autre que ce Tedesco… Mais il est hors de doute que, lorsqu’il guerroya sous l’uniforme de lansquenet, dans les troupes mercenaires de François I », il fut en contact avec les écoles de peinture italienne, et l’influence de ces dernières se révèle, à tout mo-ment, dans certains détails de son œuvre. L’ART ET LES ARTISTES M US,A. 13011, LA NATIVITÉ DE LA VIERGE (vOLET D’AUTEL) Malheureusement, les peintures de Nicolas Manuel•sont rares. On en a bien vite dressé le catalogue et, si le souvenir de ses deus composi-tions les plus importantes, La Danse des Morts, du cloître des Dominicains de Berne, et l’Idolafrie de Salomon, nous est transmis par des copies, il est hors de doute que d’autres peintures du maitre ont à jamais disparu sans laisser de traces. C’est donc surtout dans ses dessins à l’encre de Chine et dans ses gravures sur bois qu’on saisit le mieux I03 toute l’originalité inventive de son génie et la puissance si pénétrante et si particulière de soit art. L’oeuvre picturale de Nicolas Manuel comprend des peintures décoratives et quelques rares tableaux de chevalet, parmi lesquels un pur et admirable chef-d’oeuvre, que nous reproduisons dans cet article, LeJngemeni de l’ibis. Cette toile, de grande dimension, figure en place d’honneur au Musée de Bâle, où elle brille du plus merveilleux éclat, malgré le rayonnant voisinage d’Holbein. Elle est très caractéristique de l’art du peintre et, si l’on y perçoit vaguement l’influence de Martin Schoen-gauer à travers des affinités fraternelles avec Lucas Cranach, toute la puissante et originale person-nalité de Manuel s’y révèle dans la nerveuse énergie du dessin, dans l’harmonieuse audace du coloris, si différente dans sa fraîcheur éclatante, de celui