L’ART ET LES ARTISTES Ph. Hermann. Musée de Cologne. LUCAS CRANACH — SA1NTE MADELEINE pensée de son oeuvre à l’examen des groupes de saints que Mantegna et Jean Bellin ont peints, le premier dans son triptyque de saint Zénon, l’autre dans son tableau des Frari. Il n’y a rien en cela d’impossible, mais le point de départ ici est fort peu de chose et, à coup sùr, Dürer ne doit qu’à lui-même l’ampleur et l’intensité de sa conception. Il est’ permis d’y voir à la fois l’expression définitive du génie de Dürer et la marque de l’âme germanique qui exprime, par l’image, une encyclopédie et une métaphysique. Après les Quatre tempéraments Dürer cessa de peindre il consacra ses derniers soins à la revision et à la publication de ses écrits théoriques sur les proportions du corps humain et sur les fortifications, il préparait un traité de pédagogie 26 artistique quand la mort le surprit en 1528. Le nom d’Albert Dürer est hautement représentatif. Nous avons l’illusion que ses prédécesseurs n’ont travaillé que pour préparer sa venue et nous lui attribuons volontiers l’invention des formules qu’il a portées à leur perfection. Nous le sentons à la fois très loin et très près de nous: allemand et universel, héritier du Moyen âge et homme moderne. Il attache surtout parce que dans son oeuvre il est toujours présent ; il n’a pas tracé une image avec indifférence il s’est perpétuellement donné tout entier ; estrèmement fécond il n’est jamais facile. Sa pensée retournée et approfondie s’exprime par une forme très voulue. Et puis il nous fait assister à de perpétuels combats: il use de la forme la plus capricieuse, la plus touffue, et il tend vers la simplicité et le repos, il a un langage adapté à l’analyse et il vise à la synthèse, il parle avec précision et révèle l’infini; il est tout ensemble religieux et païen ; il affirme la vertu du particulier et atteint le général; fondateur du paysage mo-derne, il proclame la suprématie du corps humain. Organisation magni-fique, où se concilient les forces entre lesquelles se partagent d’ordinaire nos esprits. I V. 1.ES CONTEhIPORAINS DE DÜRER. —CRANACH. — fiR6NEWALD. Albert Dürer appartient au patrimoine commun : tous ceux qui aiment l’art ou le pratiquent lui doivent des émotions ou des exemples. De son vivant même, son influence s’éten-dait au loin et, par ses estampes, jusqu’en Italie. Pourtant son action directe. contrariée dans le nord par les Flandres et, au sud. par l’ascendant italien, a été assez restreinte. A Nuremberg mème, il a été le maître de son frère Flans Dürer, de Schaüfflein, médiocre et fécond, dont le chef-d’oeuvre est un Ensevelissement du Christ D Sali à Nordlingen et de Flans Suss de Kulmbach, qui, en le suivant de très près. a fait parfois des oeuvres remarqua-bles bien que dépourvues d’originalité. D’autres disciples venus par la suite dans son atelier, les deux Beham et Georges Perlez dépendent moins complètement de lui. Ils lui sont étrangers par leur incrédulité, leur libertinage, la fascination