Le Mouvement Artistique à l’Étranger ALLEMAGNE .E Cavalier à la Rase de Richard Strauss, attendu avec une si impatiente curiosité, a été simultanément, à a Dresde, Nuremberg et à Munich, un événement aussi bien artistique quecal et littéraire; car, à la question de la musi partition et de l’étonnante comédie, moitié sérieuse et roté rieure, moitié bouffonne, de NI. von Floffinannsthal, s’adjoi-gnait une question presqu’aussi importante des décors, qui a fait beaucoup crier, comme toutes les innovations très justifiées et qui, elle aussi, vient de recevoir une solution triomphale, grâce é l’entétement de M. Strauss ut à l’art souverain de M. Alfred Ruiler. On sait que cet altiste vien-nois fut l’artiste découvert par Mahler et, par lui, associé à ses resplendissantes tentatives de modification de la mise en scène, pendant les inoubliables années de sa dictature absolue t l’Opéra de Vienne. M. Strauss a eu tôt fait de se rendre compte de ce que valait la collaboration d’un tel artiste et, avec l’aplomb que lui donne sa situation privilégiée en Allemagne, et même â l’étranger, il impose à toutes les scènes désireuses de monter son chef-d’œuvre — et tout net un chef-d’auvre — la condition sœe guett d’accepter les décors Roller. Il va sans dire qu’au premmoier abord ce fut un folle. Mais veuilles réfléchir deux minutes n’est-il pas absolument juste que l’auteur d’un drame soit libre d’im-poser le décor qui seul réalise ses intentions, et ceci admis en principe,n’est-il pas ridicule d’assister, de ville en ville, à des variantes souvent saugrenues d’un décor dont, au con-traire, il est parfaitement logique que l’on établisse une fois pour toutes le type. Le coup d’état de M. Strauss doit etre applaudi de tous les gens ses et de tous les artistes soucieux de leurs intentions et densé l’unité totale de l’impres. sion esthétique. En tous cas jamais la fin n’a mieux justifié les moyens qu’ici. Le Cavalier à la Rose acquiert une unité telle que désormais Bœuvre de M. Strauss est aussi inséparable de son spectacle que de son teste. Je connais quelqu’un quine va jamais au théâtre que pour entendre de la musique. Il aime mieux lire les pièces que de les voir représentées. Pour la premiére fois du sa vie, il sort de celle-ci déclarant qu’il lui serait impossible de rêver seulement une minute une autre mise en scene, tant celle-ci est claire et adéquate dans la simplicité et la splendeur. Evidemmem c’est hi un événement d’une mitre importance qu’une demi-douzaine d’expositions. Songer, donc la conquête de ce droit pourtant si élémen-taire du musicien et du poése d’apporter lui-méme le décor de son choix, et l’unité de ce décor, partout proclamée nécessaire ! Qu’il ait fallu tant de siècles pour s’apercevoir que ce fin la une condition évidente de l’art théâtral, cela plutôt devrait être pour nous étonner. Aussi soyons heureux que le premier essai de ce genre air été accompli avec un tel éclat, justifié par une telle réussite. 41 Dés le lever du rideau, quel que soit l’intérêt de lit musique et bien que ce public des premières mondiales soit le plus blasé que l’on connaisse, uac rumeur d’admi-ration fut perceptible en dépit de l’orchestre. Le boudoir, tout en or, de la Maréchale, semble inspiré par tels appar-tements de l’ancien palais du Prince Eugêne, aujourd’hui l’un des Ministères, à Vienne. Or l’action du Caro fier ,i le Rote se passe, connue l’on sait, dans cc Vienne baroque, presque aussi amusant que la Venise du meinte temps, ce Vienne baroque où Cagliostro, est Casanova, oit Da Ponte, oit le valet fripon Costa, hantaient le Graben et let jardins publics; et de ce très spécial Vienne des coquins et des aven-turiers italiens, évoqués par le Varoacchi ec B.Nanina de M. de Hotfmannsthal, la souricière du t ‘oisiétne acte, nous aporie le plus amusant échantillon des lieus de perdition. Quant au décor du deuxihme, le palais du riche paivenu Fouinai, aux grandes lignes sobres, aux parois nues, aux pétées et au palier d’escalier monumentaux, il le fallait de cette dureté fastueuse pour noblement encadrer sans en dis-traire, la scène adorable de la remise de la rose, gràœ aux costumes blancs d’argent de NI. ‘bolier, l’une des choses les plus radiettsement belles que l’on ait jamais elles au A Dresde trente mille marks ont passé à ces costumes, et à Munich ou n’en doit pas être loin. Du reste tout jusque dans les moindres détails est aussi réussi. Il faut vraiment avoir admiré cet étonnant ensemble pour cotnprendre quel avantage é y a eu pareil cas à se défaire des spécialistes, blanchis sous le harnois des conventions, et a recourir à un artiste jeune, d’audacieuse initiative et décide ànc s’occuper que de satisfaire avec science et art les intentions du compositeur. ‘Fout ce monde grouillant donne un tableau complet de l’époque et semblesorti des tableaux, des estampes et de l’iconographie de l’époque l’alcôve de la Marquise c’est du Baudoin ; sa toilette du Saint-Aubin ; son haessgi comme on disait à Vienne, ses clients, ses fournisseurs, son oiseleur et son négrillon, on les dirait échappé, aux scheqi de Tiepolo. Le viettx Faninal semble copier son port et ses attitudes d’après tel Maréchal de Saxe de Rigault. Et quireconnait les enfants de Chardin parmi les serviteurs de l’ne hôtellerie borgne? Quant à Boucher et Fragonard, ils se sont emparés de la Maré-chale, tandis que Watteau, de Sophie Faninal. Et même une pointe de Goya apparais déjé dans l’accoutrement de l’Ita-lienne. Le tout a une telle v telle gràce, une telle richesse et une telle unité que, certainement, lit jouissance artistique retirée d’un spectacle pareil surpasse presque la visite de n’importe quelle galerie de tableaux du cylIF Siée!, WILLIAM RITTER.