LE MOIS ARTISTIQUE ancres inspirations, c’est d’elle qu’il tient son empreinte. Il peut désormais aller partout, en Espagne comme en Orient, en Islande comme en Savoie, en Hollande comme à Venise, à Paris comme à Pont-en-Royans, fréquenter l’atelier, voir des intérieurs, toujours il saura ne plus être dupe du mirage immédiat, souvent conventionnel de ces décors. Il ira droit, au contraire, à l’essentiel, au sérieux. Il discernera la gravité, la mélancolie, la tristesse même. Il retrouvera partout la solitude, qui est pour ainsi dire la substance philosophique de tout paysage. Et devant le plus beau des paysages de la terre, le corps nu, il sera saisi d’une analogue pitié. Sans en sacrifier la grâce, il en notera l’atten-drissante fragilité,. sug-gérera la fin future. Cet artiste, à qui le plus ma-niaque de technique ne saurait reprocher une faute, est avant tout un poète, et un poète pensif. Et il reste ainsi dans la profonde vérité de son art, et exerce son authen-tique mission. EXPOSITION MARCEL LENOIR (Cercle internalio-nal des Arts, 97, boulevard Raspail). — Un enthou-siaste, un violent et un mystique, hanté de préoc-cupations littéraires, suais aussi sollicité par les émo-tions reçues devant la stature. Son art est brutal, som-maire même souvent, mais souvent aussi plein de délicatesses soudaines, touchantes, et qui font penser à certaines pages pleines de religieuse ten-dresse de M. Maurice Denis. Quand sa violence porte à faux, elle choque, comme toute dispro-portion ‘entre l’effort et le but, suais lorsqu’elle touche juste, lorsque le trait accentue le point même où le peintre a voulu nous émouvoir, il atteint des effets véritablement saisissants. Comme tout artiste d’avenir, M. Marcel Lenoir accueille en lui des idéaux contradictoires, suit des tendances opposées. Son abondance ne s’embar-rasse pas d’un choix. Mais ce choix se fera seul, à son insu, dans les profondeurs de l’inconscient, réserve incomparable des créateurs. Ainsi son sens de la composition décorative tendra (le mouve-ment déjà est très nettement visible) à se satisfaire avec des oeuvres du genre de Processions du Vendredi-Saint à Gérone, au lieu de se disperser dans de purs réves. Il y gagnera plus de concen-tration et une émotion plus authentique. Il coïn-cidera à ses buts véritables, il s’accomplira dans sa propre logique. L’OEUVRE DE LEONARD JARRADD (Galerie Devant-lyq, 43, boulevard Malesherbes). — On ne connaît presque pas M. Léonard Jarraud à Paris. Il n’expose plus depuis vingt ans. Aussi cet ensemble de ses outs ores (environ cent soi-xante-trois) est-il comme une révélation. M. Jarraud est un pein-t re-pa ysa , qui n’est presque jamais sorti de son village angoumois et s’en est fait le poète fi-dèle. Je ne trouve rien de plus touchant qu’une existence d’artiste ainsi consacrée à une région, à un paysage. Aucun secret d’ailleurs qui vaille celui-ci pour en pénétrer l’émotion véritable, le sens intime. M. Jarraud a rendu à merveille, d’un pinceau comme trempé de brouillard, les espaces vides, les horizons sans romantisme de ce pays re-plie sin. ss fade es mouillé s, selon l’ad-mirable expression de Fromentin, notre Hol-lande française. Il a la dé-licatesse de Corot et de Cazin, avecquelque chose de personnel, une mélancolie bien à lui, profonde et comme inextirpable, un charme difficile à défi-nir et pourtant indiscutable. C’est un de ces hommes attentifs à écouter les voix intérieures et qui n’ont qu’à regarder la réalité qui les entoure pour faire du rêve, à force d’amour (le la stature. Autour de lui, et qu’on reverra plus abondam-ment l’année prochaine, se groupent quelques artistes du pays d’Ouest ss : MM. Gaston Balande, Henri Gousse, René Hérisson, Georges Maresté, Armand Vergeaud; les sculpteurs Raymond Guim-berceau, Raoul Verlet, alite Peyronnet, le céra-miste Renoland. F. M. MARCEL LENOIR PORTRAIT DU SCULPTEUR EUGENE BOURGOIN 227