L’ART ET LES ARTISTES Liverpool Royal Insfflalken LE MAITRE DE FLÉMALLE — DESCENTE DE CROIX Chose généralement ignorée, le retable se com-posait jadis de trois zones superposées : le Ciel, la Terre et l’Enfer. Cette dernière partie, faisant pré-delle, fut peinte, comme d’ailleurs tout le polyp-tyque, à la détrempe, par Hubert, qui d’après nous, n’employa jamais d’autre procédé. Cet Enfer se perdit au xigt siècle, lorsque des peintres incom-pétents, ignorant la nature fragile de la peinture, essayérent de la laver ou de la nettoyer à l’eau. Les témoignages concordants d’auteurs flamands du temps ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. Voici le texte du chroniqueur van Vaerne-wyck, dont nous donnons ici une traduction : Le pied du retable était un Enfer, peint à la détrempe par le même Johannes van Eyck. (C’est évidemment Hubert qu’il faut lire.) Quelques mauvais peintres, dit-on, ont voulu le laver ou nettoyer, mais leurs mains de veau (sic) ont effacé cette peinture merveilleuse, qui, avec le reste du retable, aurait plus de valeur que tout l’or mon-nayé dont on aurait pu le couvrir. Van Mander dit la même chose, mais en d’autres termes : re Le principal panneau de l’Adoration de l’Agneau, était posé sur un pied ou socle peint. Cette pein-ture était à la colle, ou à l’oeuf; elle représentait un Enfer, où l’on voyait les damnés et ceux qui sont sous terre s’agenouiller devant le nom de Jésus ou de l’Agneau. Mais en lavant, ou en nettoyant cette oeuvre, des peintres ignorants l’ont complètement effacée et anéantie. La date de l’invention ou du perfectionnement de la peinture à l’huile par Jean van Eyck nous est donnée d’une façon inexacte par Vasari, ainsi que par van Mander, qui le copia. C’est erroné-ment qu’ils assurent qu’elle remonte à t410, alors qu’on ne connaît aucune oeuvre certaine, exécutée à l’huile par Jean, datant d’une époque antérieure à la mort d’Hubert. C’est d’ailleurs ce qui explique-rait d’une façon rationnelle la disparition complète, non seulement de l’oeuvre d’Hubert, niais de tout cc qui fut peint par Jean avant la mort de son ainé. Nous savons de plus que Jean peignait encore à la détrempe après le décès de son frère; car dans les inventaires de Marguerite d’Autriche, on remar-quera que cette princesse possédait n une face de Portugaloise… fable de la main Juliennes sans belle (sic) et sur toile. n Or cette peinture à l’eau qui figure encore dans un second inventaire, datant de g 524, disparut au xve siècle comme toutes les autres oeuvres peintes à la colle par les deux frères. La peinture la plus ancienne faite par le nou-veau procédé de Jean se trouve à Paris; c’est la Vierge au Chancelier Rotin, jadis à Autun, actuelle-ment au Louvre. Tous les historiens d’art sont d’accord pour fixer son exécution après t426, date de la mort d’Hubert, mais ses oeuvres les plus nombreuses se placent après 143o. L’achèvement du polyptyque de l’Agneau date de 1432, et cette seule peinture connue d’Hubert ne nous fut con-servée que parce que Jean, alors en possession de ses secrets, put achever à l’huile ce chef-d’oeuvre de l’art primitif. Le Nicolas Albergali, de Vienne, et le TintotbEe (?) de la National Gallery, datent de la même année; l’Homme au Turban et les Arnol-fini, du même musée, de t433; tandis que sa merveilleuse Madone de van der Paele de Bruges, 196