L’ART DÉCORATIF NOS ILLUSTRATIONS Les illustrations de ce numéro, outre celles du Salon, se rapportent à l’Exposition des beaux-arts et d’art appliqué ouverte à Dresde depuis le le’ mai. La section d’art appliqué, qui nous intéresse le plus particulièrement, présente une différence de caractère frappante avec les expo-sitions françaises de même nature. Elle donne immédiatement l’impression qu’en Allemagne, la grande majorité de ceux qui s’occupent d’art appliqué l’entendent dans un sens beau-coup plus directement pratique, plus apte à entrer dans la vie courante et à se généraliser que les artistes français. Quoi qu’on puisse penser de la valeur artistique proprement dite des créations nouvelles de l’Allemagne, elle a le mérite d’être le pays qui vulgarise le premier l’art vraiment appliqué, de flétrie qu’elle a été premier en Europe où le téléphone, la traction électrique, en un mot presque tous les grands progrès accomplis depuis un quart de siècle se sont répandus d’une manière générale. On ne pourrait dire que l’Allemagne aie complêtement réussi, jusqu’ici, à se créer un art appliqué national. Mais elle y tend et n’est pas loin du but; les formules de ses artistes se précisent de jour en jour davantage, et le lien commun qui les rattache devient de plus en plus visible. Les artistes de Munich tiennent une grande place à l’exposition dans la section d’art appliqué. Parmi eux, l’on trouve d’abord M. Riemer-schmid , dont le salon de musique est fort caractéristique: une vaste pièce, un peu nue si l’on devait la juger au point de vue de nos idées françaises, mais formant bien le cadre des réunions de famille et d’amis dans un pays oit le caractère de ces réunions est si différent de ce qu’elles sont dans le nôtre. Un des coins de la pièce est occupé par le parquet des musiciens, élevé d’une marche au-dessus du sol du reste de la pièce; le piano, les pupitres et les sièges du quatuor y sont placés commodément. Ces meu bles, comme ceux du salon proprement dit, ne manquent pas de distinction dans leur simpli-cité. La frise sur laquelle M. Riemerschmid a concentré l’intérêt de la décoration murale, comme il convient, parait un peu grêle de lignes, de même que le dispositif d’éclairage électrique dans lequel l’artiste a voulu mettre sincèrement les conducteurs en évidence. La tentative est louable, mais on ne pourrait dire qu’elle soit couronnée de succès. Elle ouvre en tous cas une voie qui n’est pas une impasse. La chambre à coucher de M. Pankok, avec beaucoup plus de recherche, est moins heureuse. Les travaux exposés par M. Bertsch, Grass, 108 v. Berlepsch et d’autres présentent des intérets divers, sans qu’aucun soit d’une importance décisive : c’est l’acheminement d’hommes de talent vers quelque chose de plus définitif. Parmi beaucoup d’autres objets, il faut citer la frise de M. Ubbelohde pour chambre d’enfants, dans laquelle l’auteur u eu l’idée ingénieuse de tirer ses sujets de contes enfantins populaires. L’architecture privée actuelle, aux Etats-Unis, est assez disparate dans son ensemble. Il faut y distinguer trois classes de constructions. D’abord, les gigantesques bâtiments dans lesquels les bureaux de maisons de commerce, de journaux, de compagnies d’assurances, en un mot de tout ce qui s’occupe de «make money», – c’est-à-dire de tout le monde, s’en-tassent du premier jusqu’au quinzième étage. Nous n’avons pas à en parler ici. Viennent ensuite les .résidences privées dans les villes, ce que nous appellerions les hôtels particuliers. En définir le caractère serait malaisé, pour la bonne raison qu’il n’y en a pas, ou du moins, qu’il varie de maison à maison. Si l’on voulait y trouver un trait commun, il faudrait le chercher dans le style néo-roman dont l’église de la Trinité, construite à Boston vers 1870 par le plus renommé des architectes américains, Richardson, à été le point de dé-part. Ce style est devenu depuis celui d’un très-grand nombre d’édifices religieux et civils; puis certains architectes ont voulu l’étendre aux constructions privées. Il est rare aujourd’hui qu’on n’en retrouve pas quelque chose dans la manière de chaque architecte, encore que la plupart de ceux-ci cherchent à se rendre le plus indépendants des précédents qu’il est possible. Du reste, l’architecte américain, dans cette re-cherche d’indépendance, semble rarement guidé par les loir fondamentales de l’art; aussi, la plupart de leurs oeuvres donnent l’impression d’un mélange d’un peu de tout, souvent in-génieux, hardi surtout, mais sans aucune pensée réellement nouvelle. Ce qu’il y a de vraiment à eux et de vrai-ment moderne dans l’architecture des Améri-cains, ce sont leurs maisons de faubourg et de campagne. Rien n’est plus pittoresque et en même temps mieux entendu ; rien non plus ne donne mieux l’expression du «home». En commençant par se départir absolument de toute règle de symétrie à. l’extérieur dans l’unique but de garder une liberté cotuplête dans l’arrange-ment du plan, les architectes américains ont trouvé la beauté sans la chercher. Serait-ce qu’un point de départ vrai y conduit fatalement?