L’ART DÉCORATIF -C;e=- très-importante comme volume, et peut-être M. Henri Sauvage a-t-il pu déployer plus com-plètement ailleurs son juste sens de l’art dome-stique et ses qualités de dessin ; néanmoins, ces meubles sont d’un excellent esprit, et plusieurs de leurs détails — les parties en bronze par exemple — tout-à-fait gracieux. M. Pierre Selmersheim, en grand progrès, expose notamment un lit bas dont l’ensemble est bien venu, et certaines parties remarquables, en particulier le pied. A d’autres places, un peu d’exubérance peut-être, qu’expliquent les vingt-cinq ans de M. Pierre Selmersheim . . . et qui passera comme eux. Le dessus de lit et une jolie frise florale qui surmonte le fond dénotent le goût et la facilité de M. Pierre Selmersheim comme décorateur de surfaces. Un autre jeune architecte, M. Fagnan, étale un grand meuble d’antichambre qui ne manque pas d’invention, ni de qualités de dessin. Mais trop de lignes, trop de bras . . . . celù n’est pas du bois découpé, et en a l’air. Quand M. Fagnan aura reconnu qu’il faut simplifier, il fera de très-bonnes choses. La manière de M. G. Serrurier s’est un peu transformée dans l’ensembe qu’il nous montre cette année (une salle à manger). Le caractère de simplicité subsiste, mais relevé maintenant par quelque recherche du détail. M. Serrurier garde du reste dans cette recherche la sobriété dont on ne saurait sortir sans altérer le carac-tère domestique auquel il tend avant tout, avec raison; l’abondance et le trop grand développe-ment des appliques en cuivre dont ses meubles sont garnis donnent seuls une note détonnante. La prépondérance accordée à un moyen de décoration si artificiel n’est pas sans surprendre chez un artiste d’un goût ordinairement sûr. M. Bellery-Desfontaines, peintre et sculpteur, nous transporte vers une conception d’art toute différente. Ici, l’allégorie règne sur toute la ligne. Oiseaux nocturnes sculptés aux pieds, figure du silence marquettée à la tête. Nous sourions des Cupidons et des flambeaux d’hyménée de nos gratté pères; prenons garde de tomber de Charybde en Scylla. On ne peut cependant dire que l’objet usuel ne soit ici qu’un prétexte à beaux-arts, comme nous ferons tout-à-l’heure dans le cas de M. Carabin. M. Bellery-Des-fontaines se montre au contraire soucieux de faire ressorter chaque point d’une butane con-struction, (l’accuser les fonctions, de rendre même l’objet pratique en son emploi. Mais en même temps, tous les moyens de décoration imaginables s’y donnent rendez-vous, donnant à son caractère on ne sait quoi d’insolite. Chaque partie est parfaite, l’ensemble n’est qu’étrange. Pourquoi? c’est difficile à définir; il y a là matière à méditation sur quelque obscure loi d’unité. M. Carabin, lui, n’essaie point de dissimuler. Il a le courage de son opinion. Pour lui, un meuble, c’est une femme sculptée en bois • -et joliment bien sculptée, car sur ce terrain-là, M. Carabin n’a personne à redouter! — le reste ne compte pas, on le donne par-dessus le marche. Il fut un temps oh cela nous paraissait un défi au bon sens. Mais on se fait à tout — et la franchise de M. Carabin désarme la critique. Pour pets qu’il confine sa manière d’entendre l’art appliqué à des fan-taisies telle que celles qu’il nous montre cette année, ois la femme tient entrouvert un carton dressé contre la table ois l’on déposera les pa-piers qu’on en tire, nous la trouverons pleine d’esprit ; ces bibelots gigantesques ne nous sembleront pas plus déplacés dans un milieu de taille proportionnée à la leur que ceux d’échelle moindre dans une pièce de grandeur ordinaire. Malheureusement, les cas sont rares; où le meuble puisse se réduire à un simple jeu d’esprit ; M. Carabin n’a pas beaucoup de chances de doubler la demi-douzaine. Pour en finir avec le meuble, il faut citer encore M. Majorelle. M. Majorelle n’a envoyé cette année que deux meubles de salon, qu’on ne saurait ranger parmi ses meilleures pro-ductions. Il se réserve probablement pour 190o. Dans le vitrail, peu d’envois cette année. Deux cartons de M. Brangwvn, qui expose a une autre place d’intéressants tapis. M. Félix Gaudin nous montre une vaste composition de M. Tardieu, destinée à l’hôtel-de-ville de Dunkerque et représentant Jean Bart reçu par les autorités de sa ville natale après la victoire du Texel. NOUS n’avons à parler de cette œuvre d’art ofliciel que pour en reconnaître les belles qualités d’exécution. Le joli dessin d’un panneau de M. Bourgeot, mis en valeur par la gamme de rutilances des verres, et l’harmonieuse distinction d’un autre panneau de M. Guérin nous touchent davantage; ces œuvres permettent d’attendre beaucoup de ces jeunes artistes. Enfin, parmi les dessins d’architectes, — peu nombreux à la Société Nationale des artistes —énumérons ceux de M. Benouville, de M. Plumet, de M. Gardelle. Quant à ceux de la Société des artistes français, ils sont trop …. et c’est toujours la même chose. Faut-il une conclusion ? Nous l’avons dite en commençant. Pour l’art appliqué, Salon d’attente, tout juste intéressant. Beaucoup d’absents, encore plus de redites. Attendons. G. M. JACQUES. 103