L’ART DÉCORATIF même viné. Ces intérieurs n’ont de -parti-culier que les souvenirs du deux grands hommes ‘M’ils rappellent; souvenirs qui suffisent cepen-dant à leur donner un intérêt anecdotique dans ces coldnnes, s’il est vrai que l’art et la poésie doivent se donner la main. Après la prise de la capitale du royaume africain de Benin en février ‘897, les Anglais trouvèrent en quantité des bronzes, des feron-neries et des objets en ivoire sculpté du plus haut intérêt pour l’ethnographie et pour l’art. De grandes plaques en bronze couvertes de figures en relief, et qui formaient sans doute le revêtement des murs en terre cuite au so-leil des demeures du roi et des grands digni-taires, des figures d’hommes, de léopards, d’oi-seaux, fondues par le procédé de la cire perdue, des vases et des ustensiles précieux, des armes de grands luxe firent apparaître, à l’étonnement des Européens, les restes d’une civilisation avancée chez ce peuple retourné depuis à la barbarie. Suivant l’habitude anglaise, ces tré-sors historiques furent aussitôt emballés et ex-pédiés à Londres, ou le British Museum fit son choix; après quoi, le reste se dispersa au hasard des achats, mais prit surtout lé chemin de l’Allemagne. Le musée des arts industriels de Berlin, celui de Hambourg, et le Musée d’ethnographié de Munich en possèdent de nom-breuses et belles pièces. Nous devons à M. le professeur Brinckmann, conservateur du musée de Hambourg, les photographies de celles que nous reproduisons. On y reconnaitra l’influence de l’ancien art égyptien et celle de l’art arabe du moyen-âge. Par quelle longue succession d’évènements in-connus ces influences ont-elles servi la création d’un art -possèdent un caractère propre incon-testable, sur cette terre qu’on croyait, hier en-core, n’être jamais sortie de la barbarie primi-tive? Les . ethnographes le découvriront peut-être par l’étude de ces objets. En attendant, les artistes y trouveront, de leur côté, quelque chose de plus qu’un sujet de curiosité. Nous avons souvent insisté sur la nécessité de créer, à l’usage de la partie du public dont le goût s’est épuré depuis quelques années, des objets usuels, surtout des meubles, pas trop coûteux et par conséquent simples, mais d’un « oût pur. Nous enregistrons donc avec plaisir l pas que viennent de faire dans cette voie deux artistes de Munich, MM. Schultze-Naum-burg et Pankok d’accord avec les Ateliet’s Réunis de cette ville pour l’exécution. Ces artistes ont établi pour le prix de 3300 marcs :4125 francs — un mobilier complet com-52 prenant une salle à Manger, une chambre à coucher à deux lits jumeaux et un salon. La salle à manger, dessinée par M. Pankok, est en bois de chêne mat; elle se compose d’un grand buffet, d’une table à coulisses et allonges, d’un grand fauteuil et de six chaises garnies en drap ou cuir uni: ce n’est pas le dernier mot du raffinement, mais c’est au moins digne et véritablement confortable. La chambre à coucher est de M. Schultze-Naumburg; elle est en bois de pin, soit poli, soit teinté vert ou rouge. 11 eût été sage de s’en tenir à la couleur naturelle du bois; les teintures peuvent amuser un instant, mais dans un ensemble, on en a vite assez, comme de tout ce qui violente la nature. Mais nous ne chicanerons pas l’artiste sur cette erreur facile à éviter; il est plus juste de ne remarquer que le bel aspect qu’il a su donner à ses meubles; surtout à l’armoire et à la .table à coiffer, uniquement par la justesse des proportions et l’élégance des profils. C’est parfait en son genre, à part les pieds des • lits, un péu lourds à notre avis. M. Saultze -Naumburg est aussi l’auteur du dessin des meubles de salon (ou plutôt pièce de réunion), consistant en rayons d’assez grande longueur pour les livres, avec cases fermées dans le bas (ce meuble n’est pas reproduit dans nos gravures), ‘un bureau de dame, un canapé, d’angle avec lequel fait corps un autre petit casier à livres ou à Musiques, une table et six chaises; le tout en bois de chêne.• – A bientôt, espérons-le, l’occasion de reproduire des ensembles conçus dans le même sens pour les usages et les goûts d’autres pays. C’est la tâche la plus urgente de lart nouveau, s’il veut travailler non-seulement pour quelques-uns, Mais: pour le grand nombre, c’est-à-dire étre vraiment de son temps. Les papiers peints de M. Maurice Denis reproduits dans ce numéro devaient paraître dans le Nr. 5 de l’Art Décoratif, en mêMe temps que ses peintures. Très- différents de tout ce qui se fait par la composition et la nature des motifs, ils reflètent la gràce, nous allions dire la tendresse de tout ce qui sort du pinceau du jeune ‘naître. C’est la première fois, croyons-nous, qu’un très-jeune artiste allemand, M. Nicolai, est re-produit dans une revue d’art. On remarquera dans ses bijoux, ses lampes et ses travaux d’argenterie une légèreté de main peu commune à se compatriotes. A ce point de vue, les qualités de ces objets les rapprocheraient plutôt des productions françaises.