L’ART DÉCORATIF M. Wallander, céramiste suédois, n’est au contraire pas exempt du reproche de faire intervenir mal à propos la sculpture dans ses productions. Ainsi, si délicatement modelé que soit le corps de femme, formant l’anse d’un des objets que nous reproduisons, et si ingénieuse. ment que soit placé le creux des reins pour donner prise à la main, c’est refuser à la raison la part que l’art d’aujourd’hui veut lui faire que se permettre pareilles fantaisies. Beau-coup plus réussi nous semble le service de table où M. Wallander se contente de faire servir le modelé à relever le dessin décoratif; ce n’est qu’ainsi qu’il convient d’en com-prendre l’emploi dans l’ustensile en céramique. Nulle part en Angleterre on ne trouve réunis en un seul lieu un plus grand nombre de jolis cottages que dans le village industriel de Port Sunlight, près de Liverpool. Ce village, de fondation toute récente, appartient à MM. Lever frères, les fabricants du savon «Sunlight», uni-versellement connu. Ces industriels transférèrent, il y a dix ans, leurs usines de Warrington à leur emplacement actuel, alors en pleine campagne, pour les agrandir; ils eurent à résoudre la que-stion du logement de leurs ouvriers et employés. Ailleurs, cette question se règle sans soucis arti-stiques; mais ici, elle s’imposait à des manufac-turiers aimant l’art, et l’architecture avant tous les autres. Ils commencèrent en versant dans l’archéologie; on fit entre autres choses une copie de la maison de Shakespeare à Stratford-sur-l’Avon. Mais ils’ revinrent vite de ces erreurs du début pour aborder le programme comme il devait l’être. Deux plans-types de maisons d’ouvriers, et deux de maisons d’em-ployés furent établis, avec au moins trois chambres à coucher et un bain dans chacune. Les chefs de l’usine font construire les maisons à leurs frais sur les terrains leur appartenant; ils affectent chaque année une fraction déter-minée de leurs bénéfices à cette construction. Ils fixent les loyers en renonçant à l’intérêt du capital immobilisé dans les maisons; ceux-ci représentent seulement l’impôt, les frais d’entre-tien et d’amélioration et l’amortissement. De la sorte, la location des plus petites maisons ne dépasse par 4 à 5 francs par semaine et celle des plus grandes 6 à 8 francs. On a construit jusqu’a ce jour plus de 30o maisons abritant t500 à 2000 habitants. Les maisons sont alignées en rangs d’une longueur modérée, et groupées par ,blocs» de cinq ou six de même architecture. Plusieurs architectes des plus réputés de l’Angleterre, MM. Ernest George, E. Newton, W. Owen, Douglas et Minshull, T. X. Lockwood, Maurice 51 B. Adams et un grand nombre d’autres de Liverpool et des villes environnantes ont été chargés des plans. La plupart de ces archi-tectes ont adopté le vieux mode de construction des comtés du nord de l’Angleterre, à pans de bois, auquel l’aspect riant et extrêmement avenant de l’ensemble est en grande partie dû. A côté de ce genre de construction, toutes les innovations trouvées par l’architecture domes-tique anglaise depuis vingt ans sont d’ailleurs représentées, et tous les matériaux possibles de succèdent en une intarissable diversité; on ren-contre même ça et là de vrais morceaux d’art, des abouts de poutres finement sculptés, des frise; taillées de main de maitre, etc. Les édifices du village, la halle, les clubs d’hommes et de femmes et surtout l’école méritent l’admiration. Port Sunlight montre vraiment l’architecture rurale anglaise sous son meilleur jour. Nous, sommes loin, ici, de la pseudo-villa italienne, idéal d’il y a quarante ans, auquel tout ce qui fait aujourd’hui la joie de nos yeux, couleur, sincérité des matériaux, présentation pittoresque de l’utile était sacrifié! C’est le retour aux traditions du pays — acte de haute raison dont Norman Shaw, aujour-d’hui vétéran, fut le premier à prendre l’initiative, et auquel l’Angleterre doit le magnifique épa-nonouissement présent de son architecture bour geoise et rurale. Personne ne visite Port Sun-light sans être fortement impressionné, et sans comprendre que c’est dans les legs du sol natal, mis en oeuvre par le sens des besoins du présent, qu’est l’avenir. H. MUTHESIUS En publiant dans ce numéro deux projets, l’un de lit, l’autre de balcon, que nous com-munique M. Maurice Dufréne, second prix du concours de l’Art Décoratif pour un bureau et son fauteuil, nous faisons une place légi-time à un très-jeune artiste dont les travaux autorisent de belles espérances. M. Dufrêne est encore étudiant néanmoins, on remarque déjà dans ses dessins, outre le germe de formes personnelles d’un goût sain, beaucoup de tact dans le choix et l’emploi des moyens décoratifs et un sens sûr des convenances artistiques et pratiques. Nous sommes heureux d’avoir, en les reproduisant, l’occasion de témoigner notre désir de contribuer chaque fois que nous le pourrons à faciliter la voie aux talents naissants en leur prêtant l’aide de notre publicité. Deux tableaux d’un peintre néo-impressionniste allemand, M. Stremel, représentent l’un une chambre célébre, qu’on nomme la chambre jaune, de la maison de Goethe à Weimar, l’autre, celle où Schiller est mort dans la FIND ART DOC