L’ART DÉCORATIF -(Z «Plus de style!» Est-ce que vraiment on ne rêve pas, quand on pense qu’il a fallu cin-quante ans de rabâchages sur la création d’un nouveau style d’architecture , cinquante ans d’homélies et d’articles solennels à propos d’une marotte, cinquante ans de prix-Duc, pour qu’un architecte ose, sans risquer de se faire conspuer, affirmer ce droit si simple de l’artiste à l’in-dividualité? Quoi, le grand musicien peut s’appeler au même temps Beethoven ou Weber, Méhul ou Rossini; le grand peintre, Millet, Burne-Jones ou Courbet, et l’architecte ne de-vrait être que M. X , lrchitecte ? On nous dit que l’architecture ne peut être que la ré-sultante des besoins, des moeurs et de la pensée d’une époque. Eh! nous n’avions pas besoin de cent discours filandreux et de mille articles suant l’ennui pour nous douter qu’on ne loge pas un natif de Montmartre, en 1899, dans le palais de Toutmès I M. de la Palice, en son temps, devait l’avoir prédit. Mais de ce que l’idée ne saurait nous venir de nous vêtir autrement que d’un pantalon, d’un gilet et d’un paletot, parcequ’ainsi le veulent le climat et la coutume du temps, s’ensuit-il qu’il nous soit interdit de choisir le pantalon, le gilet et le paletot qui nous plaisent, et faut-il nous con-damner tous à l’uniforme du lignard, avec chaque bouton à l’ordonnance? «Le genre d’architecture devrait varier sui-vant le genre des constructions . . .» Oui. L’abandon des fastidieuses rengaines par les-quelles on cherche en vain à décorer la façade de nos demeures est à ce prix. Lorsqu’on se rendra compte qu’une façade faite d’une masse modelée, et non de lignes tracées sur la planche noire, se décore tout naturellement, presque d’elle-même par les côtes, les creux, les affouille-ments que la disposition des excroissances, des renflements, des évidements font naître sans effort sous le ciseau, les faux pilastres, les car-touches, les mascarons, les couronnes, les guir-landes, la passementerie, la mercerie et le reste iront rejoindre tour seuls les mânes de ceux qui les ont inventés. La sculpture, nous voulons dire la statuaire et toute la figuration dérivée d’elle, restera l’apanage des édifices, des mo-numents, sa vraie, sa seule place — parceque la seule oh elle puisse dire quelque chose, exprimer une pensée, avoir un sens; et là, point ne sera besoin de se creuser le cerveau, de défigurer la beauté des formes humaines ou naturelles pour la rendre décorative : elle le sera d’elle-même! Quant à l’habitation, elle se suffira — et fort bien ! — de cette sculpture qui ne vise à évoquer, encore bien moins à représenter ni êtres, ni objets, qui n’est que le jeu des ombres et de ;la lumière sur les sur-48 faces de côtes et de creux se coupant, se divi-sant, s’unissant, fuyant, se résolvant ça et là en motifs de fantaisie, comme on en voit de gracieux, et pourtant robustes exemples sur les façades de l’hôtel de l’avenue d’Iena, ou, en un genre plus simple convenant à la maison de rapport ordinaire, sur celles des maisons du même architecte, M. Schoellkopf, en construction 92 et 94, avenue de la République. Concluons. A travers les tendances per-sonnelles de chacun des quelques architectes délibérément modernistes qui forment, en France, l’avant-garde de leur art, il s’en manifeste une commune à tous. Chacun suit sa voie, mais tous se refusent à continuer de traiter la façade comme de la décoration de surface. Tous reconnaissent qu’il faut voir en elle une masse dont chaque excroissance et chaque creux donne l’impression d’être nés avec elle, d’en faire partie, suivant la juste comparaison de M. Schoellkopf, aussi indissolublement que le nez, la bouche, les yeux font partie du visage. Chez les uns, les lignes de démarcation des masses et des ouvertures disparaissent, ou du moins la dureté en est atténuée autant qu’il est possible; chez d’autres, elles subsistent, mais toujours motivées par une cause organique. Comme conséquence, le relief de la façade est acquis; d’autre part, la décoration sculpturale se lie intimement aux procédés même employés pour obtenir cette impression d’indissolubilité du tout. Elle perd le caractère de superfétation commun à tous les styles d’architecture depuis la renais-sance pour se fondre dans la construction même. Est-il besoin d’insister sur le bienfait de cette tendance? On peut, selon ses penchants, goûter plus ou moins l’architecture de l’artiste dont l’oeuvre a fourni l’occasion de cette ana-lyse, ou de tel autre de ceux qui marchent Comme lui dans le nouveau chemin ; mais on doit être d’accord qu’ils rendent à leur art le plus grand des services en ressaisissant son véri-table principe, trop longtemps méconnu. j. HENRI RIVIÈRE Que dire de Henri Rivière que n’aient déjà dit les écrivains qui ont analysé son oeuvre, M. Jules Lemaitre et dix autres? Nous n’essaie-rons pas; ce serait aller au-devant de l’écueil de refaire, moins bien, les articles de confrères éminents. D’ailleurs, à quoi bon l’analyse, de-vant des oeuvres qui savent émouvoir comme celles-ci ? Personne ne les conteste, et surtout, l’émotion vraie désarme la recherche de ses causes; on s’y abandonne et l’on ne demande pas plus. Nous ne savons -et ne voulons pas FIND ART DOC