L’ART DÉCORATIF Cet équilibre toujours rompu, les condi-dons nécessaires de l’existence tendent sans cesse à le rétablir. Tandis qu’attirés par la facilité de la vie des villes les paysans y affluent de toutes parts, un mouvement inverse s’accentue tous les jours de la ville vers la campagne. Il est singulier, mais trop certain, que le citadin ne puisse se perpétuer dans cette ville faite par lui pourtant et pour son usage. Au bout de quelques générations, la race s’étiole ; les enfants meurent. C’est pour ces enfants que les abords des grandes villes se remplissent chaque soir de citadins qui vont chercher dans la banlieue des conditions de vie se rapprochant de celles du paysan. Chaque été les villes émi-grent dans la campagne, dans les montagnes, au bord de la mer, obéissant en apparence à une mode, en réalité à un besoin. Mais ce besoin est-il satisfait par une mode intelligente? On peut en douter quand on voit sur les plages, près des glaciers, dans les banlieues pour ceux qui fuient les villes se créer de nouvelles villes. Il faudrait laisser à la ville la ville tout entière : ses soucis, ses travaux, ses plaisirs; et, puisqu’il s’agit ici d’art appliqué, tout son décor. C’est un mobilier des champs que les organisateurs de l’exposition i< d'art rustique voulaient faire pressentir et désirer. Ils voulaient faire connaître la tradition avant de la reprendre. A cette première exposition de meubles existant déjà doit succéder dans le même esprit une exposition de meubles modernes répondant à nos usages et à nos moeurs. Il n'y aura plus à cette exposition de lits bretons fermés comme des armoires, ni de rouets pour filer, ni de lampes en cuivre pour l'éclairage à l'huile d'autrefois. Mais on retrouvera pour répondre à nos habitudes d'aujourd'hui les lignes originales du mobilier breton, l'ingéniosité des formes du rouet et la belle matière des lampes de cuivre. Il y aura là un art qui aura des répon-dants. On montrera ainsi un nouveau-né, mais ce nouveau-né aura père et mère pour répondre de son avenir et lui apprendre un vrai langage. PIERRE ROCHE, sculpteur. Plateau japonais lke,1 '84