L’ART DÉCORATIF parquet pour jouer avec le petit qui délaisse le chemin de fer grinçant ou son premier dessin… Toutefois, il n’y a point, chez Morisset, qu’un tendre observateur de l’ombre affec-tueuse; il y a, moins souvent, c’est vrai, de l’Opéra, les coulisses du théâtre où se reprend Cyrano, quelque souvenir de bal, sont des images divertissantes qui réveillent l’humour sans offusquer la vue des hon-nêtes gens. Là, comme chez lui, Morisset reste fidèle à son goût de sobre élégance : la cambrure d’un joli pied l’intéresse plus que les talons éculés d’une épave de la Butte; il semble ignorer la satire dou-loureuse ou dévergondée de Montmartre. Mais comme il retient malicieusement le geste et le complet du fêtard de Neuilly qui fait descendre les belles dames ! Et les rires estompés dans la poussière d’or de la Rue de Paris (1901) ont fait pro-noncer le nom de ce Daumier qui fut un grand intimiste; car, dans l’art français, l’intimisme a devancé l’impressionnisme: ce qu’on oublie généralement. Morisset n’est pas Daumier. Mo-risset n’est point philosophe : il ne cherche pas midi à quatorze heures, ni la caricature à la Michel-Ange ou la trace du Tintoret. Peintre, il est satisfait de voir en peintre à la fois sentimental et spirituel, en peintre bienveillant pour tout autre que soi-même et toujours soucieux d’un progrès. Dans le calme des sujets, l’évolution du peintre est frappante : il se renouvelle sans trêve, opiniâtrement. Sorti de l’ombre, issu de Gustave Moreau qui professait, avec Delacroix, la haine du gris, enfant des musées et des maîtres, il veut récon-cilier les secrets de l’atmosphère et de la pâte; sans abjurer ses dieux, sans sacrifier sur le tard à la formule épuisée de l’impressionnisme, il tend à s’éclaircir à son tour, à nuancer les gris, à colorer l’ombre, à glisser les reflets bleus et les jeux de tons dans le frisson d’un rideau, dans les plis d’une robe, à donner chaque jour plus d’enveloppe à sa précision. Témoin ses esquisses blondes, aperçues à l’Exposition des Boursiers de voyage, au début de 1902, ou chez Silberberg, en ino3; témoin, à l’heureuse réunion des Intimistes, en février dernier, le contraste entre l’Étude puissante et la Femme en blanc. Suggestif aussi le Souvenir de bal, pochade vert-de-grisée après la Loge vigoureuse! L’évolu-tion va rapprocher Vuillard qui se précise et Morisset qui s’éclaire. N’oublions pas non plus un retour au portrait, au grand fi rude mais en de vifs éclairs de lueurs espiègles et de papillotements électriques, un obser-vateur gai de la vie au dehors, du Paris mouvant et désoeuvré qui s’amuse. Encore un côté très français d’un talent né pari-sien ! Délicatesse et finesse ne sont point soeurs ennemies. Et ne peut-on se donner aux joies familiales sans détourner son re-gard de peintre des amusantes soirées de la Rue de Paris, à l’Exposition universelle de t qoo? La terrasse d’un café de la place Clichy, la fête de Neuilly, dans la tiédeur de juin, ou, l’hiver, une loge empourprée t54