L’ART DÉCORATIF herborise, fait du moulage, dessine, pense, écoute les musiques nouvelles, se lie avec Liszt. En 1866, il séjourne aux verreries de Meisenthal, où il apprend théoriquement et pratiquement les secrets de la verrerie. En 1870, il revient à la faïencerie de Saint-Clément, y compose avec Victor Prouvé un service de vaisselles rustiques dit « ser-vice de ferme », animé de chats, de chiens, de coqs emplumés ou déplumés, de poules et d’oies, le tout peint sur émail cru et de belle humeur. Pendant la guerre de 1870-7 r, il est soldat volontaire au 23« régiment de ligne. Son pinceau en a perpétué le souvenir en quelques faïences patriotiques, témoin cette curieuse assiette où se flétrit le myosotis d’Alsace cloué au gibet du poteau germa-nique, sous du hibou en vue du clo-cher de Strasbourg ‘. Puis, en 1871, il est à Londres, travail-lant au Musée de Kensington et au Jardin botanique, où il prend part à une petite exposition française organisée par du Som-merard. Puis il vient à Paris, s’extasie de-vant les cristaux anciens et les gemmes merveilleuses des galeries d’Apollon au Louvre, puis les lampes arabes émaillées de Brocard, les vases de verre, de cristal trés dense, richement ornés et colorés d’Eugène Rousseau. Les yeux, l’imagination remplis de vi-sions nouvelles, il rentre à Nancy. L’annexion de l’Alsace à l’Allemagne lui rend difficile la fréquentation de son la-boratoire de Meisenthal; il va momentané-ment à la faïencerie de Raon-l’Étape, puis agrandit son atelier de Nancy et le com-plète par une petite verrerie. En 1874, il décide son père à venir se joindre à lui, apportant son matériel, son personnel de Saint-Clément, et se met à la téte de cet ensemble. Production de gobeleterie décorée et de faïence peinte, émaillerie, gravure d’art sur verre, essais de poteries flammées et de grès gravés, tout va de pair. Là il s’acharne à douer ses vitrifica-tions, comme la nature doue les siennes, de stries et de nœuds, d’éclats et d’éclairs, de Collection de S. A. R. la princesse Louise d’Angleterre, marquise de Lorne, à Londres. reflets, d’ombres, de marbrures, d’arbores-cences. Il superpose les couches de matières, il y interpose des feuilles d’argent ou d’or, il suscite des brillages et des craquelures. D’effort en effort, si ses progrès techniques sont manifestes, des hésitations lui viennent touchant le genre des sujets à traiter. De l’obsession causée par le souvenir, par l’émerveillement laissé en lui par ses visites au Musée du Louvre, est sortie sa Coupe des Quatre Saisons, évidée dans un massif de cristal de roche, brodée de rin-ceaux d’émail : noir, blanc et rouge, ser-tissant quatre cabochons gravés des Saisons des Loges de Raphaël.. En l’honneur de Brocard, les émaux épais s’entrelacent à la gorge des vases ; comme Rousseau, il demande conseil aux Japonais, témoin ces libellules, ces saute-relles cloisonnées d’un trait de brun ou d’un trait d’or, modelées d’émail trans-lucide et d’émail opaque, exposées en t878. On dirait des transpositions en verre de Faïences de Satzuma. Tous ces ouvrages sont remarquables, sont parfaits d’exécution, marqués de signes originaux; mais l’artiste les a à peine ter-minés que le doute et le mécontentement de soi le ressaisissent. Au fond rien ne le touchera plus jamais de ce qui n’émane pas directement de la vraie nature, c’est là surtout par la célébration de la vie en ces merveilles que son âme réussit à s’exprimer. Nous allons passer en revue les objets exposés par Gallé depuis 1878, et cela au point de vue technique. L’exposition d’Émile Gallé se compo-sait, en [ 000, de deux parties distinctes : sa fabrication nouvelle, d’une part, et, d’autre part, des collections rétrospectives de ses travaux antérieurs, cela à l’Exposition centennale des Beaux-Arts, au pavillon de l’Union centrale des Arts décoratifs et à la classe de l’Histoire du travail. Pour comprendre l’intérêt des nouveaux procédés de Gallé, il était nécessaire de connaitre ses précédents travaux rassemblés à Cette coupe, qui a figuré à l’Exposition de 187o, est maintenant au Musée des Arts décor à Paris. 128 FIND ART DOC