L’ART DÉCORATIF cette constante union de la volupté et de l’anéantissement, à cette suggestion de fu-nérailles royales ou d’une vie continuée sous la hantise perpétuelle de la mort. Ce sont ces rapprochements, qu’il faut peut-étre mettre à la base de toute philosophie hu-maine, que nous voyons reflétés par toute pensée forte et lucide en présence de ces spectacles. On en vient à se demander si, à mesure qu’elle est plus intimement comprise et pénétrée, Venise n’inspirera pas une oeuvre picturale d’une émotion plus haute. Après une période d’impression synthé-tique, puis une époque d’analyse très di-verse, l’heure viendra sans doute où l’on refera une synthèse, plus nourrie que la première, gardant toute la vérité de l’étude de détails longtemps poursuivie, mais arri-vant à la simplification pour imposer un sentiment puissant dans sa complexité. Conçoit-on ce que pourrait-étre une oeuvre de passion qui, sans user dans un tableau peint de moyens et d’expression littéraires, réussirait, par exemple, à nous donner l’é-quivalent plastique du « Feu » de Gabriele d’Annunzio ? L’artiste prendrait à Venise toute sa flamme et toute sa langueur, ces floraisons abondantes, ces lèpres et cette ruine, et ce sortilège des jours et des nuits, et cette expansion de vie libre, et ce malaise d’eaux stagnantes, et tout ce que la ville recèle encore d’inépuisable, et évoquerait comme une résurrection de vie tenace, avec le sourire triomphant de la lumière véni-tienne, qui ramène la joie sur ces restes d’inondation. GUSTAVE SOULIER. n. D’ESTIENNE 64 Fusain