L’ART DÉCORATIF tranquille ou animée. Les vieilles margelles de puits en forme de chapiteaux ; les façades des édifices, avec leurs balcons de fer renflés ou leurs balustrades droites de marbre, suf-fisent à en marquer le caractère très spécial. Quelques-unes de ces places prennent un accent plus fort et plus imposant, — tel ce un passé d’aventures, de victoires, de trafic, de pillages, de crimes, d’opulence, nous revient à la mémoire. La légende, la chro-nique, l’histoire fourmillent ici plus qu’ail-leurs d’épopées, d’intrigues, de romans et de drames. Le nom de Desdémona restera éternellement attaché à ce bijou de paltt:,-o E. VAIL Campo S. Giovanni et Paolo où s’exhausse devant l’antique église, sépulture des Doges, le fier Coleone de Verocchio, au profil vo-lontaire, chevauchant son lourd cheval de guerre. Un pareil contraste de gloire et d’oubli ne saurait se rencontrer qu’à Venise avec une si impérieuse netteté, une telle affluence d’idées, d’images, de souvenirs, d’intuitions vagues s’entrechoquant en nos cerveaux. Toute l’évocation d’une vie humble et mo-notone, cloîtrée par cet isolement des eaux, se retrace devant nous ; et cependant, tout 5o du Grand Canal, aux balcons étoilés à jour comme une guipure ; et l’on ne peut voguer la nuit en gondole sous l’ombre froide du Pont des Soupirs sans sentir un frisson vous traverser le corps. La recherche de l’expression inédite, le sentiment d’analyse et de détail, ne sont pas seuls à nous faire entrevoir tous ces dessous, toutes ces complications psychiques indis-solublement mélangées aux tableaux immé-diats qu’enregistre notre mil. Il y a toute une inclination de notre esprit moderne qui est en jeu. Non seulement nous voulons aller