LES PEINTRES DE VENISE F. LE GOUT-GÉRARD de songer quand on parle de ceux qui ont rendu Venise. Il a dégagé une des expres-sions les plus nobles et les plus émouvantes de la ville, son aspect de grandeur déchue ; il a aussi admirablement mis en valeur cette situation paradoxale et précaire des édifices flottant sur l’eau, qui semblent rester comme les témoins d’un déluge et être prêts à y rentrer eux-mêmes. Bien d’autres, après ces maîtres, n’ont encore su retirer de Venise qu’un décor de théâtre sans âme ou une illustration de ro-mance ; et encore aujourd’hui beaucoup de peintres hésitent à aborder sur la lagune, par dégoût de toutes les impressions res-sassées, de ces carrés de toile où s’encadre le dôme de la Salute, s’enflant sur un ciel tendre, tandis qu’un beau gondolier se pen-che sur sa poupe, l’écharpe flottant au vent. Combien en est-il même qui se figurent qu’on ne peut rapporter autre chose de Venise, et qu’on n’y trouve qu’une joliesse fade, une poésie à la portée de toutes les sentimentalités. Et pourtant, il n’y a pas de lieu au monde où toute chose se revête d’une beauté plus rare et plus expressive. 17 Tout y est profond et intense, .la signifi-cation intime aussi bien que la parure de