LES PEINTRES DE VENISE EMPRESSEMENT de tous ceux qui vont aujourd’hui pein-dre Venise semble marquer un retour de l’art vers les 11 suggestions du rêve, vers ‘ les privautés de la chaude lumière et de la couleur. On recherche cet ébranlement fécond de l’imagination et des sens en présence des spectacles qui ne leur sont pas accoutumés, et dont ils nous font percevoir aussitôt, avec une acuité non émoussée, le ca-ractère spécifique, poussé jusqu’à son point le plus paradoxal. Pendant des années, n’a-t-il pas semblé que les pein-tres se croyaient tenus, par crainte du factice, à se confiner dans le cercle le plus étroit de leur entou-rage habituel ? Ils mettaient leur volupté à peindre une nature aussi triste et aussi pauvre que possible, à re-tracer les intérieurs les plus mesquins, à fixer même de préférence les physionomies les plus disgraciées, comme si tous les charmes et tous les enchantements de la Na-ture ne lui appartenaient pas en propre et qu’il lui fallctt les dépouiller pour se ré-véler dans sa véritable essen-ce. Ce zèle pour la péni-tence n’a heureusement pu durer, et l’heure est venue où les peintres aspirent de nou-veau à la joie des belles et puissantes harmonies de cou-leurs, car c’est bien par ce sens que se décèle avant tout leur tempérament d’ar-tiste. Le peintre qui ne serait pas sensible à la dé-couverte des harmonies colorées dans la nature, et au désir de les retrouver sur sa toile, ne serait peintre que par accident et n’en posséderait pas le caractère foncier. Venise offre aux peintres ce privilège, outre la beauté et la plénitude dé ses spec-tacles de couleurs, de pouvoir nourir leur esprit de saisissantes évocations sentimen-tales. Par le caractère unique de sa situation et les conditions de vie spéciale qui en P. FRANC LAMY La statue du Galeuse