L’ART DÉCORATIF à l’attention, surtout si l’on tient compte des mille obstacles devant lesquels la volonté de l’architecte doit plier dans tout travail, parti-culièrement dans les grands travaux publics comme celui-ci. Parmi les artistes qui ont, en Angleterre, recueilli la succession de William Morris, M. C. R. Ashbee est l’un des plus productifs, et l’un de ceux dont l’influence domine pour ainsi dire l’art anglais. Moins universel que Voisey, M. Ashbee étend cependant son activité à- des branches très- variées de l’art. Mais ses pré-dilections vont surtout aux arts du métal, c’est dans ceux-là qu’il excelle. La supériorité de l’outillage industriel de l’Angleterre a valu depuis longtemps à ce pays la première place -dans toutes les branches de la métallurgie. Ce serait folie à notre amour-propre national de ne pas le reconnaître; mais console correctif, il faut ajouter qu’au point de vue de l’art, l’Angleterre n’a su qu’abuser de cet admirable outillage pour inonder le monde de produits métallurgiques ouvrés qui sont le comble de la laideur dans le fini de l’exécution. Un industriel artiste, Benson, a voulu réagir contre cet état de choses en offrant au public des appareils d’éclairage, dés ustensiles etc. de formes parfaitement simples, mais saines, bien étudiées, jamais vulgaires. Ses produits restent l’une des expressions les pluS parfifites de l’art industriel jusqu’à cette heure. Benson ouvrait aux artistes anglais la vraie voie de l’art appliqué, en leur montrant des . productions exécutables industriellement, c’est-à-dire par quantités. Ils n’ont pas cru devoir la suivre; et quel que soit le mérite de leurs oeuvres, on doit le regretter au point de vue de la diffusion de l’art. En-dehors de Benson, les travaux des artistes anglais en métallurgie restent donc des oeuvres d’exception. Les ouvrages qui se rapprochent le plus de l’art industriel par leur caractère de simplicité sont ceux de la «Corporation des arts manuels>, (Guild of handicraft) de Birmingham. Les travaux de la s Corporation des arts ma-nuels>, de Londres, que M. C. R. Ashbee dirige et par laquelle ses dessins sont exécutés, sont au contraire pour la plupart très-ouvragés, comme on peut le voir par nos illustrations. Ils sont admirablement exécutés, et cette beauté d’exé-cution ne contribue pas peu à l’impression de perfection artistique qu’ils laissent. Le mérite de cette incomparable exécution revient d’ailleurs en très-grande partie à M. Ashbee même, c’est-à-dire aux méthodes de l’enseignement donné sous sa direction aux Membres et aux élèves de la corporation. 8 Une part importante est faite dans ces tra-vaux aux garnitures de meubles. Ce sont ces garnitures en métal, purement ornementales, qui donnent tout l’intérêt aux meubles de M. Ashbee; ce qui ne laisse pas de prêter à la critique, car c’est toujours une erreur de faire du subordonné le principal. La plupart des artistes anglais qui s’adonnent au meuble partagent du reste cette erreur avec M. Ashbee, sans avoir, comme lui, l’excuse de savoir la faire oublier par la beauté des détails qu’ils en tirent. Aussi donnerions-nous peut-être la préférence, dans l’oeuvre de M. Ashbee, à des travaux peut-être moins brillants en apparence, mais dans lesquels l’art joue un rôle plus rationnel et plus solide; nous voulons parler de ses foyers en fonte, que d’autres publications artistiques ont déjà reproduits. Ce sont des pièces d’un ca-ractère simple, dans lesquelles l’ornementation sobre qui convient à ce métal grossier est fort bien comprise. Il serait à souhaiter que la con-naissance de ces derniers travaux de M. Ashbee se répandit parmi les industriels traitant la fonte, le plus usuel des métaux et celui sur lequel l’industrie accumule le plus d’insanités sous pré-texte de décoration. Qu’on se rappelle les sirènes gardiennes des poêles mobiles — dernier modèle — de feu M. de Choubersky ! Nous avons trouvé dernièrement chez M. S. Bing, à «l’Art Nouveau», des gravures sur bois d’un jeune artiste hollandais, M. J. de Mes-quita, qui nous ont paru mériter l’attention. Si l’on n’y trouve pas la sûreté de Nicholson ni la puissance synthétique de Vallotton, elles sont en revanche remarquables par le tour dé-coratif et l’ingéniosité de l’artiste à tirer l’orne-ment du costume. La distribution des noirs est aussi particulièrement habile et non sans originalité. Sous la présidence de Puvis de Chavannes, la Société nationale des Beaux-Arts, aux Salons du Champ de Mars, a fait entrevoir la pre-mière qu’une exposition de beaux -arts peut être autre chose qu’une succession de salles mies aux murs tapissés de tableaux de haut en bas. La «Sécession» de Vienne — c’est le titre sous laquelle est contacte la Société des artistes autrichiens dissidents — est allée beau-coup plus loin. Chez elle, le mot «Salon» n’est pas une métaphore, mais une réalité. Les vues que nous donnons donnent l’idée du charme des arrangements trouvés par l’architecte M. J. Hoffmann et son collaborateur M. Olbrich.