L’ART DÉCORATIF En résumé, la Libre Esthétique a pris un temps de repos cette année. Elle l’avait bien gagné. Ne doutons pas qu’elle se remette en chemin l’année prochaine. si. o. HORLOGES »ET PENDULES L’horloge ressuscite ! La vieille horloge tuée par la pendule, usurpatrice détrônée elle-même par la montre. C’est le progrès! A quoi bon l’heure à la maison? Nous y sommes si peu! C’est partout oit l’on est qu’il la faut. Les minutes sont comptées, il faut porter sur soi l’avertisseur du temps, découpé d’avance en petites tranches. Que ferait dans notre vie à la vapeur la grande stèle de nos pères, accompagnant de son tic-tac monotone la causerie plus monotone encore de la famille réunie dans la chambre commune? La pendule, invention française, remplaça l’horloge à mesure que les prétentions mondaines, envahissant la bourgeoisie, se substituaient à l’ancienne vie de famille. Car la pendule est plutôt une pièce décorative qu’un appareil chronométrique; les trois quarts du temps, elle ne marche pas. La pendule qui marche est un raffinement tout moderne; elle n’existe que dans les restaurants à la mode et chez les gens de bon ton. Au fond, on ne s’en soucie guère; mais il est entendu qu’elle doit être correcte comme le reste. Elle marque l’heure de même que la tenue des gens de la maison est à l’étiquette. Avec Napoleon, la pendule fait le tour de l’Europe. Ce n’est plus le luxueux bibelot de Boule; elle s’est transformée en une sorte de monument oit quelqu’une de ces allégories qui charmaient l’âme naïve des guerriers de ce temps s’adosse à un motif d’architecture antique. Mais la marée de la bourgeoisie monte; les héros sont emportés dans le flot de la médiocrité, et sous Louis-Philippe, la pendule devient l’objet innommable dont l’industrie de la rue de Turenne conserve la pieuse tradition. Le Parisien d’aujourd’hui n’en veut plus; mais dans les sous-préfectures, son galbe en zinc doré reste encore le plus bel ornement du salon, précieuse-ment abrité sous la cloche de verre que le galon de velours rouge dot hermétiquement. Sort lamentable! L’armée des ouvriers de l’art nouveau surgit. Datas ses rangs, quelques coeurs compatissants se trouvent, qui pensent â rendre la vie au mêtre du temps. Chacun s’y prend la ma-nière de son pays. En France, Charpentier trouve dans la pendule l’occasion de ciseler un de ses ravissants groupes, auquel Tony Selmers-hénn donne pour piédestal une monture en beau bois dont la grâce laisse les lignes de Boule loin en arrière. C’est la résurrection du beau bibelot inventé par l’art raffiné du siècle de Louis XV. L’Anglais Ashbee s’inspire des meilleurs modèles du temps de la reine Anne, dont il décore les formes un peu raides d’une ornementation en métal repoussé, exécutée avec la perfection dont l’Angleterre a seule le secret en ce genre de travaux. Mais c’est peut-être à l’Allemagne que revient la palme. Rien de plus séant que les pendules de M. Morawe, avec les lignes élégantes sans mièvrerie, sobres sans sécheresse de leur monture én bois d’acajou. Et les horloges de M. Franz Ringer! Dans les mains de cet artiste, le coucou de la Forêt Noire est devenu le plus gracieux des bibelots sans perdre sa fruste naïveté. Qu’adviendra-t-il de ces tentatives? Nous ne voudrions pas nous risquer à le prédire. Il faudrait savoir comment ces jolies choses peu-vent s’accorder dans l’ensemble du milieu nou-veau. En tous cas, il faut d’abord que l’hor-loger trouve moyen de faire taire le tic-tac. Après la journée au milieu du brouhaha de la ville, assourdis par le grondement des omni-bus, le roulement des voitures, les nerfs exas-pérés des hudements des marchands de jour-naux et des glapissements des camelots, grâce pour nos oreilles! Et puis, ce battement in-exorable dans le silence du ‘soir, qui nous rappelle sans trêve que l’heure fuit, c’est le «frère, il faut mourir!’s Nous ne sommes point Chartreux ! 1. NOS ILLUSTRATIONS M. Bruno Miihring occupe une place brillante en Allemagne parmi les architectes de la jeune génération. Il s’est fait connaître principalement par ses constructions de ponts, dont la dernière, le pont du Rhin près de Bonn, est une oeuvre dans laquelle les plus récents progrès de la science de l’ingénieur ont été nais à contribution, en même temps qu’on y constate — chose trop rare —un effort sérieux en vue de donner à l’art la part qui lui revient dans la grande construction métallique. On ne pourrait certes dire que le pont de Bonn représente un pas décisif dans ce sens; M. Môhring s’y montre retenu encore aux formules traditionnelles par bien des attaches; mais tout au moins s’efforce-t-il de se mettre en rapport avec l’esprit moderne, surtout dans le détail. C’est assez pour désigner son oeuvre FIND ART DOC