L’ART DÉCORATIF seront très-bien en compagnie des malles dans le coin le plus noir, si les malles, bonnes filles, acceptent ce voisinage. Avec le reste, on peut marcher. Les dé-penses à faire pour le transformer sont minimes: peinture de boiseries et collage de papiers à bas prix. Quatre ou cinq journées d’un bon ouvrier peintre inoccupé suffisent. Ceux qui s’intéressent à tout ceci ne sont pas de la caté-gorie des locataires qui déménagent tous les six mois; quelques frais d’établissement ne peuvent les faire reculer. La difficulté n’est pas là, mais dans le manque actuel de meubles accep-tables et de matériaux de décor dans le com-merce. La seconde de ces lacunes sera comblée avant un ou deux ans; il faudra plus long-temps pour la première. Nous n’avons prétendu .que faire entrevoir la possibilité de faire entrer l’harmonie dans la petite demeure, et montrer quelques- uns des moyens par lesquels on peut y parvenir. Si celà n’est pas de l’art à proprement parler, c’est tout au moins plus sain que ce qui se voit presque partout. – C’est déjà quelque chose. J. L’EXPOSITION DE LA LIBRE ESTHÉTIQUE C’est la sculpture qui à fourni cette année à l’exposition de la Libre Esthétique au Musée moderne de Bruxelles ce qu’elle présente de plus intéressant, et avant toutes les autres, les oeuvres exposés par MM. Constantin Meunier et G. Minne. Du premier, le «Débardeur», grande figure en bronze appartenant à la Ville d’Anvers, deux têtes d’enfants (les petits-enfants de l’artiste) en bas relief sur plâtre, une étude de Christ peut-être moins réussie et deux ou trois autres pièces témoignent de la fécondité du grand travailleur qu’est Constantin Meunier. Si belles qu’elles soient cependant, ces oeuvres s’effacent presque à côté de «la Moisson», haut-relief qui doit entrer dans le «Monument au Travail» par lequel Constantin Meunier dotera notre siècle d’un monument que nous pourrons opposer aux plus grands chefs d’oeuvres du passé. Peut-être, dans «la Moisson», les procédés sont-ils moins essentiellement plastiques, plus pictoriaux que dans la partie du monument déjà connue par l’exposition précédente; mais le résultat n’est pas moins beau. C’est une autre face du travail, une face plus riante, que l’artiste montre dans «la Moisson» ; l’oeuvre change de caractère, s’adoucit, mais garde toujours la même dignité dans la simplicité. 5 Bien différent de l’art de Meunier est celui de M. G. Minne. Le «Rodin» de Balzac avait fait entrevoir la sculpture monumentale de l’avenir; le «Projet de fontaine» de M. Minne en fait pressentir une autre forme. Comme Rodin, M. Minne porte ses vues au’delà des routines de la masse, qui n’est pas encore mûre pour cet art; comme lui, il subit l’indifférence et les dédains de celle-ci. Il s’est vu refuser son projet de monument à la mémoire de Volders, commandé à l’artiste par le comité du parti socialiste belge, comme Rodin s’est vu refuser son Balzac par la commission de la Société des gens de lettres; en quoi les socialistes belges out peut-être montré plus d’esprit que les auteurs français : ils ont compris qu’ils se trouvaient en présence d’une nature trop aristocratique pour donner un symbole à leurs rodomontades. L’idée de cette fontaine, avec ses cinq figures, toutes identiques, agenouillées sur le bord de la vasque, est puissamment originale dans sa simplicité. C’est bien là de la sculpture décora-tive, où toute recherche de détails est sub-ordonnée à l’effet de l’ensemble; et cette répé-tition voulue de la même figure donne à l’oeuvre un caractère de calme qui ne saurait être atteint par les procédés ordinaires de la sculpture moderne. La place d’une telle oeuvre serait en un lieu propice au recueillement, sous les ombres d’un grand parc ou dans la cour d’un palais. Mais ce n’est qu’un projet ; qu’en adviendra-t-il? Il y à dans cette œuvre des côtés qui déroutent les admirateurs même. Pourquoi cette vasque si absolument nue? Pourquoi ces bords si larges, que l’assisse des figures n’occupe qu’en partie ? Questions auxquelles le sentiment profond de l’artiste qui les a voulus ainsi pourrait d’ailleurs sans doute répondre. M. Paul du Bois et M. Victor Rousseau con-tribuent à affirmer la supériorité de la sculpture sur les autres arts dans cette exposition. Le premier est en nouveau progrès dans ses statuettes en bronze, et reste excellent dans ses petits objets d’art appliqué. Aux reproductions que nous en donnons, nous joignons celles du monument du comte de Merode, exécuté par M. Paul du Bois (en collaboration avec M. Van de Velde pour l’architecture), et qui se dresse depuis l’automne de t898 sur la place des Martyrs à Bruxelles. Chez M. Victor Rousseau, un jeune, l’originalité est encore plutôt à l’état d’intentions ; la pleine possession des moyens est encore à venir. M. Fernandubois expose une très-jolie paire de candélabres, composés avec une extrême habileté, et un grand nombre de plaquettes et de bijoux d’une simplicité de bon aloi; M. Alexandre Charpentier, sa pendule, déjà exposée à Paris rue Caumartin, et une