L’ART DÉCORATIF La plupart sont de petits meubles de salon, genre qui demande au contraire la fantaisie, la grâce et l’addition d’agréments de détail; les autres, des meubles de troisième choix, mal dessinés et mal exécutés, ou des pièces excellemment travaillées et coûteuses, mais d’un caractère bourgeois, qui ne représentent nullement les goûts de la partie la plus cultivée du public anglais et que les artistes anglais réprouvent comme les nôtres. Enfin, dans presque tous, le bois est déféguré par des maquillages: laques, teintures, vernis fortement colorés, qui lui ôtent tout caractère. Des meubles de salle à manger et de chambre à coucher parfaitement simples, mais bien en-tendus et de formes élégantes, exécutés avec plus de soin et faits de bois plus choisi que nos meubles courants, ne coûteraient pas plus cher que ceux-ci, et seraient beaucoup plus beaux. Quant aux meubles de salon, il faut se départir de trop de sobriété pour eux, d’abord parceque ce sont de petits objets devant plaire plutôt par la délicatesse que par la vigueur de l’expression, ensuite parce que, dans le milieu dont ils feront partie, c’est plutôt sur eux que sur le décor mural que se portera l’intérêt. Au salon, le goût français veut une tonalité claire et des décors effacés; dans les milieux mondains, son vrai décor, c’est la beauté des femmes, qui doit y briller de tout son éclat et dont rien ne doit détourner les regards. De ces classes, l’usage s’est étendu aux autres. Il paraît que c’est un mal — et même un ridicule — à certains points de vue; mais c’est un bien au nôtre; celà varie le caractère des pièces dont la de-meure se compose. Les meubles de celle-ci seront donc fouillés sans excès aux bonnes places, les pieds modelés etc. Sur ces petits meubles, celà n’est pas d’un prix excessif. Les draperies des baies, rideaux et portières, sont plus faciles à trouver dès à présent dans le commerce que les meubles. Pour les chambres à coucher, la France et l’Angleterre fabriquent des cretonnes ravissantes de couleur et de dessin ; moyennant deux francs le mètre, on n’a que l’embarras du choix. Pour les autres pièces, il y a de beaux velours imprimés et d’autres tissus fort acceptables dans les six à huit francs le mètre, grande largeur. Il n’en faut d’ailleurs par une profusion. L’absurdité des draperies qui cachent les fenêtres aux trois quarts et faisaient de nos appartements, il y a quelques années, des sortes d’antres de fauves, n’est plus à démontrer. Encore un peu de temps, et les chefs – d’ceuvre des tapissiers — et leurs mé-moires! — ne seront plus qu’un souvenir, Dieu merci. En attendant, voici le meilleur conseil à ceux qui sont de notre avis. Faites venir 4 une couturière; qu’elle coupe et pique ses lais, fasse une demi-douzaine de fronces à chaque rideau, y couse nombre égal d’annelets. Adaptez au mur, au-dessus de la fenêtre, une tringle en laiton (tube de ts à 20 millimètres) dé-passant le cadre de celle-ci de 25 à 3o centi-mètres de chaque côté. Enfilez les anneaux, laissez pendre, repoussez les rideaux à l’extérieur du cadre jusqu’à la nuit . . . . et voilà. Deux rideaux de vitrage en mousseline, coulissés haut et bas et voilant les vitres jusqu’au sommet tamiseront la lumière, jetant sur vos décors l’estompe nécessaire. Et croyez que pour ne pas être insensée, ni chère, votre fenêtre n’en sera pas moins décorative. Avec des murs unis, les draperies doivent être à dessins, et vice-versa. Mais c’est plutôt à la couleur et au tissu qu’il faut s’attacher qu’au beau dessin, au moins dans une certaine mesure. Les fronces et les plis défigurent celui-ci; il n’agit guère qu’en ce qu’il rompt les nus. La tonalité générale de l’étoffe, au contraire, joue un grand rôle dans l’harmonie chromique de la pièce, donc dans l’impression d’ensemble. Aussi les dessins en blanc ou crême, on ton sur ton, sont peut-être les plus propres à bien remplir le but. Il resterait à parler de bien des choses, mais nous ne pouvons qu’effleurer le sujet. Il ne s’agit ici que de montrer la possibilité de faire quelque chose avec peu. Pourtant, il faut encore répondre à une question : comment mettre en pratique tout celà dans les appartements de nos maisons de rapport, où tout est prévu, réglé d’avance, emprisonnant le locataire dans les anciens usages? Certes, il faut de la volonté pour ne pas être découragé par ces obstacles. Ces glaciales cheminées en marbre blanc, prétendues Louis XV, ces glaces à l’imbécile cadre doré montant jus-qu’au plafond, dont les propriétaires ornent (I) les appartements, sans doute en reconnaissance du privilège monstrueux que nos lois continuent d’accorder au bailleur, la fortune qui se terre peureusement dans l’immeuble étant plus sainte que celle qui aide l’industrie et rend possibles les grandes entreprises et le progrès; ces pla-fonds à guirlandes, rosaces, écoinçons en pâ-tisserie faite de la crême des lieux-communs de trois siècles et demi, — ce sont là des cas désespérés ! Les plafonds, il faudra bien, hélas ! se résigner à faire bon ménage avec eux jusqu’à ce qu’on nous les épargne ! Les cheminées, la police qui nous défehd de les démolir nous force à nous contenter de les masquer par les rideaux tra-ditionnels, triste palliatif! Avec les glaces, au moins, il y a de la ressource. Décrochées, elles