L’ART DÉCORATIF –quelconques, n’ayant ordinairement pas même le mérite d’une franche et incisive mouluration. Elles peuveut néanmoins devenir un puissant moyen d’effet dans l’ensemble, par la couleur. Dans plusieurs cas, en les reliant entre elles par un .cordon mouluré de même couleur –dont le prix d’établissement est insignifiant — tantôt en-dessous de la frise, tantôt à hauteur de cimaise (celà dépend de diverses circon-stances), on introduira dans la pièce un élément architectonique Satisfaisant l’esprit par l’unité qu’il établit entre ces menuiseries. En outre, cette ligne de couleur pourra souvent apporter une contribution précieuse au coloris de la pièce. Cette question du coloris mérite toute l’attention, car le choix des couleurs des divers éléments de la pièce: le champ mural, la frise, les me-nuiseries, les meubles et les draperies, soit cinq couleurs, donne à lui seul un puissant moyen d’expression. Par lui, l’on peut varier, nuancer même le caractère de chaque pièce; leur donner l’originalité, en faire quelque chose de non en-core vu malgré l’humilité des objets qu’elles renferment. Que ceux qui n’ont pas été séduits des admirables et si neuves harmonies de cou-leurs des compositions des maîtres de l’affiche moderne contredisent ceci. Evidemment, ces combinaisons, imaginées en vue de l’estampe murale, ne sont pas applicables telles quelles à la décoration d’ensemble des intérieurs; mais en s’en inspirant et leur faisant subir les modi-fications que comporte la différence de but, chacun peut établir des harmonies chromiques empreintes de distinction, et donner par elles à sa demeure un caractère en rapport avec le sien. Une ligne de reliement des cadres de baies peut, disions-nous, s’établir dans certains cas à hauteur de cimaise. Alors, par un changement du papier de fond dans le bas des murs et le reliement de cette cimaise au stylobate par des lattes montantes, peintes comme les autres boiseries, de distance en distance, on peut di-minuer l’étendue de la surface nue des murs, et la varier sans lui faire perdre son caractère neutre. Le travail que comporte cette sorte de lambrissage en deux couleurs est très-minime; ce qu’il faut pour le faire se trouve à bas prix dans le commerce. Une disposition de ce genre conviendrait aux pièces telles que la salle à manger (si elle n est déjà lambrissée) ou le cabinet de travail, où les meubles adossés au mur se composent généralement de deux corps superposés, la cimaise coïncidant alors avec la ligne de séparation des deux corps. Après ce qui précède, on entrevoit déjà que la petite demeure n’a pas besoin, pour plaire, de meubles enrichis de marqueterie ou de sculptures. Le décor au haut des murs suffit 3 à l’intérêt dans l’ordre pictorial; un décor égale-ment pictorial sur les meubles ne ferait que nuire à l’effet du premier, on serait écrasé par celui-ci. Une place plus éloignée convient seule pour un second décor de cet ordre dans la pièce: le sol, c’est-à-dire les tapis. Ainsi, pas de décor en couleurs sur les meubles. Leur intérêt doit être d’autre espèce. La sculpture — celle qui mérite ce nom — est trop coûteuse. Reste la construction pure et simple. Si l’on sait en tirer tout le parti possible, elle suffit. L’industrie du Faubourg S’ Antoine nous a malheureusement habitués à ne voir dans le meuble qu’une caisse dont le talent de l’ébéniste consiste à masquer l’ennui par une multitude de »machines’ dont il l’affuble. Or, ce n’est pas celà. Un meuble est une construction en char-pente légère, dont tous ou la plupart des pans sont clos de panneaux ou de portes. La char-pente, c’est l’ossature, le principal; les panneaux et les portes, c’est le subordonné. Donc, il faut avant tout accuser fortement la charpente. C’est elle qu’on doit voir, elle qui doit tirer l’oeil; les panneaux ne viennent qu’accessoirement. Il paraît enfantin d’écrire une vérité si simple; et pourtant, il suffit de jeter les yeux sur le premier venu de nos meubles courants pour voir que nos ébénistes ignorent cet a, b, c, de leur métier. Pas de saillies, de reliefs; montants, traverses, panneaux, portes, devants de tiroir, tout au même plan. La platitude érigée en principe. Le seul fait de mettre en vigoureux relief une charpente élégante et bien proportionnée, même composée exclusivement de lignes droites, suffit, la beauté du bois aidant, à faire d’un meuble un objet sur lequel les yeux se reposent avec plaisir et dont ils ne se lassent pas. Dans les grands meubles surtout, ceux des salles à manger et des chambres à coucher, cette sim-plicité s’accorde à merveille avec la destination des espaces. Remarquons, d’autre part, que la nature du bois veut qu’en pièces d’une certaine longueur, il soit scié en ligne droite suivant ses fibres. Les artistes qui prétendent ne plus composer leurs meubles que de pièces courbes cherchent, comme on dit, «midi à quatorze heures» et prouvent simplement qu’ils sont in-sensibles au charme du naturel, le plus grand de tous. Sans, bien entendu, proscrire la courbe. la ligne droite doit rester le principe de la con-struction ; les courbes n’ont à jouer qu’un rôle de second ordre. Qu’on ne juge pas de ce que peut être le meuble ainsi compris par la sécheresse des spé-cimens de meubles anglais qu’on voit en France.