L’ART DÉCORATIF -ce»,– la petite demeure doit séduire. Dix-neuf fois sur vingt, d’ailleurs, son habitant n’est pas de ceux que les délicatesses de détail peuvent toucher. Le goût du bibelot est un goût de raffiné, de connaisseur, souvent dans le mauvais sens du mot, c’est-à-dire de maniaque. Pour-quoi celui qui n’est pas de cette église s’encom-brerait-il d’objets qui ne lui disent rien ? Ne s’entourer que de choses auxquelles on prend plaisir, n’est-ce pas un précepte qui, pour n’être pas inscrit dans les codes d’esthétique des docteurs, doit primer tous les autres? Revenons au principe: mettre chaque chose en valeur. Les architectes — les bons, — dans le dessin d’une façade, laissent de larges «mus» et massent à quelques places choisies le détail ornemental, que cet isolement détache vigou-reusement et qui produit ainsi le maximum d’effet. Le procédé n’est pas moins nécessaire dans nos petites chambres de quatre mètres de côté, où les objets se touchent presque, chacun tendant à écraser le voisin. Avec du tact et de la sobriété, ce mal peut s’éviter; mais au lieu de cette indispensable retenue, que voyons-nous partout? Des murs tendus de papier tirant ]’oeil, auxquels s’adossent des meubles chamarrés tirant séparés par des baies garnies de draperies tapageuses tirant l’ceil, avec, dans les interstices, chaque centimètre couvert de plats d’épinards encadrés tirant l’ceil. Que l’oeil se débrouille dans tout celà, s’il peut. Pour mettre un peu d’ordre dans l’étude qui nous occupe, on pourrait s’y prendre comme ceci. Quatre éléments composent l’ensemble d’une pièce: les murs, les boiseries de con-struction, les meubles, et les draperies qui ferment ou garnissent les baies. Il y a bien encore le plafond et le sol, mais nous les laisserons de côté ; c’est assez de faire d’un article une con-férence sans le transformer en traité. Les murs se subdivisent eux-mêmes en deux parties. Dans le bas jusqu’à hauteur des meubles, ils sont un fond sur lequel ces derniers doivent se détacher. Dans cette partie, on peut, on doit se dispenser de leur donner trop d’intérêt; c’est sur les meubles que celui-ci doit se porter. Donc, pas de papiers marquants, pas de dessins ; un fond uni ou composé d’un fouillis de lignes serrées, ton sur ton, équivalent à l’uni comme texture et couleur. Les papiers unis les plus communs, valant de trois à huit sous le rou-leau, font parfaitement l’affaire, à la seule con-dition de bien choisir la couleur. Il faut réduire la dépense sur cet article, et reporter sur le suivant l’économie faite. La partie supérieure des murs est, au con-traire, une place très favorable pour y con-centrer la décoration de la pièce. Elle est isolée 2 des meubles, et l’adjacente du plafond, vaste surface nue, donne toute sa valeur au détail qu’on y appliquera. D’autre part, c’est la place qui peut être décorée par les moyens les moins coûteux ; car sur les meubles, le décor ne s’ob-tient, à moins de tomber dans le camelotage, que par la sculpture ou la marqueterie, travaux chers ; et d’ailleurs, l’intérêt et l’harmonie des formes, joints à la beauté naturelle du bois, suffisent fort bien à faire pour l’oeil une joie de voir se détacher des meubles simples sur le champ neutre des murs. Ce raisonnement nous conduit à la frise, à la large frise des Anglais; non entendue, ainsi qu’ils font, comme couronnement d’un papier à motifs disposés en hauteur par un motif en rapport disposé en longueur, mais à la frise pour elle-même, formant l’unique décor des murs, et tirant à elle toute l’attention que les meubles placés en-dessous laissent disponible au spectateur. Actuellement, il n’existe dans le commerce que très-peu de choses proprès à remplir le but qui vient d’être défini. Les frises anglaises en papier peint, à trois ou quatre exceptions près, ne peuvent servir; à ne parler même que des bonnes, le dessin est trop grêle, la couleur trop effacée. Devant être en rapport avec le papier que le dessinateur anglais les destinait à compléter, et par conséquent plias ou moins neutres comme ce papier, elles n’ont pas le brillant et la franchise d’allures que réclame le rôle dont nous parlons ; elles ne «s’en-leveraient» pas. En France, l’industrie n’a rien fait jusqu’ici, la frise n’étant pas d’usage cou-rant; nous n’en connaissons que deux, des Pommiers» et «les Barques», dessinées par M. Aubert. C’est une branche du papier peint à créer chez nous ; si nous jugeons par certaines inforinations, l’industriel qui prendra cette initia-tive n’aura pas à le regretter. La peinture au pochoir fournit un autre moyen d’exécuter ces frises. Elle pourrait se faire à la colle, sur une bande de papier de couleur tranchant vieureusement sur le papier de fond (le contraire des frises anglaises). Cela serait plus beau que la frise en pàpier peint, mais plus coûteux. Cependant, si l’usage se généralisait, le prix deviendrait aussi acces-sible aux petites bourses qu’il l’est en Italie, où le décor au pochoir est d’emploi général, comme on sait. Il faudrait pour celà que de bons artistes créassent un certain nombre de dessins de frises, dont les peintres-décorateurs composeraient leur répertoire de pochoirs. Passons au deuxième élément de la pièce, les menuiseries de construction. Dans les mai-sons à loyers modérés, ce sont des menuiseries FIND ART DOC