L’ART DÉCORATIF «Victorian style» — celui de la première partie du règne de Victoria — le cas le plus déses-péré de l’histoire du mobilier. Les travaux de G. E. Street et de A. W. Pugin (contemporains de ceux de Viollet le Duc en France) furent le signal d’un retour au style gothique des commencements du moyen-âge. En même temps, ces architectes intro-duisirent les méthodes de dessin basées sur la construction, dont les artisans des écoles «d’Arts and Crafts» font aujourd’hui leur première loi. A. W. Pugin publia son album de projets de meubles gothiques en 1835. Il rencontra beaucoup d’adversaires et fut même tourné en ridicule, mais exerça quant même une grande influence. L’exposition de 1851 rendit la vie à maintes branches de l’art tombées en décadence. Un catalogue des objets exposés donne un grand nombre de coupes de meubles, pour la plupart objets d’apparat imités des meubles français. Le même ouvrage renferme une illustration de la cour gothique de l’exposition, construite sous l’inspiration de .Pugin. Le texte explicatif d’un des objets reproduits, une niche en bois de chêne, fait remarquer que «la principale parti-cularité de cette niche consiste en ce qu’elle est dessinée d’après les anciens principes, en se pliant aux convenances de la matière en laquelle elle doit etre exécutée«. Les conclusions de cette remarque ont conduit loin. Depuis les jours de Hepplewhite et de Sheraton, le métier du dessinateur de meubles et de l’ébéniste n’était plus que prétexte aux fantaisies les plus extra-vagantes, sans souci des fonctions ni de la construction. Les adeptes de la renaissance gothique réagirent contre ces insanités; leurs dessins furent rigoureusement appropriés aux matières à traiter. Leur œuvre fraya le chemin dans lequel les écoles «d’Arts and Crafts» ont trouvé le principe de leur prospérité. Tout le monde sait quelle part revient dans cette résurrection de l’art à William Morris, le plus grand maître-artisan du siècle. William Morris commenta sa carrière dans l’atelier de Street, et s’y nourrit des meilleures traditions des inspirateurs de la renaissance gothique. Ses rapports étroits avec les préraphaélites, la fon-dation de l’imprimerie et des ateliers de Kelm-scott, enfin, la création de la Société des «Arts and Crafts» dont il resta le président, correspondent aux phases du grand mouvement artistique dont nous contemplons aujourd’hui le plein essor, et dont nos illustrations repro-duisent un assez grand nombre d’oeuvres. C. H. B. QUENNELL REPRODUCTIONS DIVERSES M. Kruger, dont une de nos pages re-produit des verres qui se distinguent par la correction de la forme, cumule avec l’art du peintre et celui du verrier les fonctions de direc-teur des «Ateliers Réunis pour l’art dans lé métier«, à Munich. Nous avons eu souvent l’occasion de reproduire des oeuvres d’art appliqué exécutées par cet établissement; quelques mots de son organisation intéresseront sans doute. Ses fondateurs ont été M. Kruger, déjà nommé, M. H. Obrist, sculpteur, M. M. DUlfer, archi-tecte, M. R. Riemerschmid, peintre et M. Rolfs, conseiller de cour. C’est du ytt janvier t898 qu’est datée la circulaire par laquelle ces Messieurs annonçaient leur projet aux artistes de Munich on sait qu’il y en a beaucoup dans cette ville — et les invitaient à s’y associer. «Il existe maintenant — disait en substance cette appel — beaucoup de personnes que le nouvel art séduit, et qui ne demanderaient pas mieux que de s’entourer de ses productions si celles-ci ne coûtaient pas trop cher et si elles savaient où les voir et les acheter. D’autre part, nombre d’artistes ont d’excellents projets d’ob-jets d’art appliqué tout prêts dans lettes car-tons, mais ils ne savent par qui ni comment les faire exécuter. Enfin, il ne manque pas d’artisans et d’industriels capables et désireux de sortir des sentiers battus, mais qui n’osent affronter le risque de fabriquer par quantité de quelque importance des objets dont la vente serait problématique. Tandis que de leur côté, des négociants entreprenants, qui ne cherchent que l’occasion de mettre leur organisation commerciale au service de la vente de tels ob-jets, se demandent en vain qui les fait.» «Voilà donc quatre catégories de personnes auxquels il manque un trait d’union. Nous voulons l’établir.» A cet effet, les fondateurs proposaient la con-stitution, entre les artistes et les intéressés des diverses classes précitées, d’une société à respon-sabilité limitée et capital variable, c’est-à-dire avec un capital minimum de 100 000 marcs susceptible d’augmentation à mesure des sou-scriptions, et divisé en actions de 50o marcs. Les fonctions de cette société devaient être d’assurer aux artistes l’exécution de leurs pro-jets sans risque commercial pour eux et avec rémunération par paiement du projet ou par part dans le prix de vente; de commander aux artisans les objets à exécuter par quantités plus ou moins fortes, sans risque commercial pour eux; de fournir aux marchands les objets d’art appliqué moderne ainsi créés et fabriqués; de contribuer à les faire connaître au public par 259