LA SCULPTURE AUX SALONS Listes que n’intéressent pas les spectacles de la rue, de l’atelier, du foyer, du salon, les déformations infligées aux organismes par les métiers, l’âge, les coutumières pensées, qu’attirent surtout le libre jeu, la beauté harmonieuse du corps humain dans son in-tégrité primitive. Mais leur admiration s’ex-prime presque toujours en un langage neuf et coloré, affranchi de la ty-rannie des vieilles formules, débarrassé des clichés, grâce à l’exemple des Rude et des Carpeaux , des Constantin Meunier et d’un sculpteur qui n’expose pas cette fois-ci, dont l’influence est pour-tant visible chez tous, Au-guste Rodin. Les appella-tions antiques ne sont que des prétextes à complètes et libres nudités. La « Bac-chante au biniou » d’Injal-bert chante seulement l’or-gueil d’être nue, à l’ombre des arbres, dans l’air tiède et les aromes. Fine et forte, assise sur le roc, une jambe pendante , l’autre repliée pour soutenir l’instrument, promenant ses doigts contre le buis, inclinant sa tête couronnée de lierre, elle guette d’un oeil malin le désir que ne peut manquer d’éveiller en nous son corps rond et fondant, gonflé de sucs comme un fruit. Ce n’est pas là une fade com-position d’après l’antique. C’est une oeuvre originale, débordante de joie sensuelle, à la saveur agreste et chaude. Jamais l’art de M. Injalbert, par-fois un peu ronflant, n’avait donné une note aussi pleine, aussi juste, aussi harmonieuse. La « Muse des bois » du même auteur unit également la sveltesse des lignes à l’opu-lence de la chair. Le faune de M. Jef-Lam-beaux, mordu par une nymphe dont il vou-lut goûter la gorge abondante, m’apparait turbulent et plantureux comme un Jordaëns. Peut-être manque-t-il toutefois d’une cer-taine fougue dans la facture. Les « Da-naïdes» de M. Marin s’enlacent très rythmi-quement. La « Douche » de M. Mulot, le sculpteur de «Divine Mort», groupe autour d’un therme deux naïades fort aimables; la Fête pastorale », « Lutinerie », « Volupté de M. Félix Voulot offrent des formes lon-gues, flexibles et fluides, onctueuses, toutes fleuries, toutes parfumées d’amour. Nocquet expose un truculent Silène, Valère-Bernard un Orphée, Fix-Masseau un buste de « fau-J. ESCOULA Deuil nesse », une « Tête aux ailes » inquiétante qui me fait songer aux Gustave Moreau, puis « Deux soeurs », double masque en marbre rose. Dans une matière d’un graM et d’une couleur adorables, les deux faces surgissent accolées, elles sont exquises de sensualité rêveuse et trouble, avec leur nez tin, retroussé un peu, leurs lèvres riches et molles, leur étroit menton, leurs yeux énig-matiques, les volutes prenantes de leur che-velure. La douceur de leur sourire coule sur la douceur du marbre rose et blond aux veines bleuissantes. Après cette déli-cieuse vision, je rencontre les fantaisies ga-233 so