L’ART DÉCORATIF sont mesurés; les attitudes des personnages des côtés sont calmes. On respire là de la fraîcheur et du repos, cette sensation de renouvellement que l’on a en face de la nature libre. M. Henri Martin s’est même débarrassé de toutes figures symboli-ques; plus de Muses palpitant dans les feuil-lages. Toute la poésie se dégage d’elle-même, et elle n’en est pas moins vive. Ces peintures resteront une oeuvre puissante, non seulement dans la suite des ouvrages de M. Henri Martin, mais dans notre produc-tion contemporaine. Jamais peut-être l’artiste n’a fait une œuvre si forte, parce que jamais peut-être il ne s’est si complètement plongé dans la nature, n’a cherché à en aspirer autant tous les sucs. A côté de cela, nous pouvons goûter d’au-tres impressions moins poignantes, qui déga-gent aussi une poésie. M. Le Sidaner se complaît toujours dans cette heure crépus-culaire où les lampes commencent à s’allu-mer, mais où les formes gardent encore leur couleur propre comme atténuée et diluée dans la pénombre. C’est d’une très grande délicatesse.; peut-être y ait-il même quelque chose d’un peu factice; et à l’heure où les maisons rte sont pas encore plongées davantage dans la nuit, il semble que les lumières qui brillent aux vitres ne pren-draient point tant d’éclat. De son côté, M. A. Thomas, dans un triptyque pour l’Hôtel de Ville de Tours, —Musique, Danse, Poésie, — se trouve tout à fait à son aise, car il aime égarer dans des paysages qui inclinent à la rêverie de gracieuses sil-houettes, et cela sans mièvrerie, avec un beau sentiment de -peintre. Dans ses promenades sur la côte de la Méditerranée, sur le fond de mer éclatant, à travers les oliviers et la découpure des pro-montoires, M. Auburtin a senti revenir en lui des souvenirs classiques, des réminis-cences de vie grecque qui ont tout naturel-lement pris corps dans ce décor d’une ampleur antique. Ce ne sont point pour lui des êtres de fiction, mais l’incarnation même, l’évo-cation immédiate et inévitable de la réalité. L’oeuvre sincère renferme en elle une force persuasive, et nous nous retrouvons, nous aussi, plongés sans effort dans cette vie antique ou éternelle, dont M. René Ménard suscitait en nous la pensée par ses Errants ou son Égine. Gus-rAvù SOULIER. F. AOBORTIN 208