LA PEINTURE AUX SALONS (DEUXIÈME ARTICLE) LE goût de la nature et de la vie, qui revient heureusement dans nos généra-tions de peintres, pousse toute une classe de nos artistes vers une peinture copieuse et franche, en pleine pàte, et montée de cou-leurs. Il y a quelques années — et l’on en sent encore les traces dans bien des coins du Salon, — la vogue était à une pein-ture anémiée, effleurant à peine la toile, et les raffine-ments du co-loriste allaient jusqu’à la dé-coloration, c’est-à-dire à l’abolition même du sen-timentdecou-leur. Ce sen-timent cons-titue avant tout le pein-tre, en même temps que la joie de mé-tier qui con-sisteà modeler dans des pàtes onctueuses. Félicitons-nous de voir la santé revenue dans la peinture. La percep-tion de la lumière, de l’atmosphère, de l’en-veloppe, n’empêche pas d’observer des har-monies puissantes, des valeurs contrastées. Sous un apparent mérite de délicatesse, lors-que toutes les tonalités sont délibérément affaiblies, tous les rapports de tons peuvent ètre aisément faussés. La maladresse et l’in-exactitude d’observation se dissimulent; à la faveur de cet effacement de la couleur, tout réussit à l’harmoniser. Corot disait que la brume est au paysage ce que la voilette est à une figure de femme; en l’atténuant, elle en augmente le charme d’une sorte de mystère. Mais l’intrigue ne peut durer qu’un instant; le visage qui res-terait toujours voilé ne nous intéresserait plus; et l’on aime mieux y découvrir des L. RIDEL 201 Au Lare irrégularités, des imperfections, mais du moins en pénétrer davantage le caractère. Peut-étre faut-il moins de temps aujour-dliui à une école de peinture, pour s’impo-ser, qu’il y a un demi-siècle ou même vingt-cinq ans. Ou plutôt, au milieu des principes divers qui se combattent et qui se mani-festent à la fois, peut-ètre toute doctrine sérieuse et cohésive est-elle plus assurée d’être comprise et respectée. Car il a suffi de quelques années à la peinture robuste yO