L’ART DÉCORATIF Nouvelle » a voulu accueillir – et je l’en félicite—certains artistes dont les tendances différaient de ses tendances générales. Ainsi Émile Claus; ainsi Baertsoen, épris surtout de peinture franche, aux accords robustes : façades rouges, linges blancs, vert intense des enclos; ainsi Walter Sickert et Eugène Vail, voyant dans les aspects de Venise un prétexte à « belle matière»: effets de pâte riche et sombre, chez le premier; chez l’autre, prestigieuse adresse à noter les solo. rations de l’atmosphère et le frisson des eaux. La tendance générale du groupe, nous la retrouvons avec les peintres de moeurs: Charles Cottet, Lucien Simon. Personne de nos jours ne marche plus sûrement à la conquête du < caractère ». MM. Simon et Cottet prennent leurs sujets en Bretagne. Ils s'appliquent tous deux à rendre la phy-sionomie, les instincts, l'âme obscure et profonde d'une race primitive, pleine de candeur et d'âpreté. Ils en donnent des images singulièrement puissantes. Lucien Simon peint d'une façon alerte et vigoureuse, saisissant sans effort la signification des êtres, la marquant d'un rapide accent. Le « Soir de Pardon » où les femmes en costumes criards, assises par terre, loin des baraques foraines, ruminent une lourde rêverie, ce-pendant qu'on attelle les chevaux pour le retour; les deux grandes aquarelles d'enfants de Pont-l'Abbé, aux clairs visages, aux yeux de source, témoignent . de cette intuition franche, de cet entrain dans la facture. Les oeuvres de Charles Cottet paraissent plus longuement mûries, plus violemment concen-trées. Quelques-unes atteignent à l'intensité tragique, comme la «Femme pauvre au soleil d'hiver comme la « Femme tenant son enfant mort ». Cette dernière toile est terrible, avec la douleur de la mère, aux paupières sèches, gardant une immobilité farouche, avec le petit cadavre blâfard, dans l'auréolement des fleurs de papier, rouges, jaunes, vertes, violettes, du bonnet aux rubans bleus dont le costume d'Ouessant fait aux enfants défunts une parure à la fois barbare, ridicule et touchante. Plusieurs paysages, fortement synthétisés, complètent un ensemble pathétique, montrent l'artiste capable d'exprimer en son paroxysme le drame des éléments aussi bien que celui des êtres. Charles Cottes, Lucien Simon sont aujourd'hui le magnifique espoir de la pein-ture.française. Ils joignent à la décision, à l'ampleur de Manet, à la carrure, au vouloir, au rude appuiment de Courbet, une péné-tration psychologique, un don d'émotion, un sens d'humanité qui les apparient déjà aux meilleurs maîtres du passé. La préoccupation du caractère est aussi manifeste chez les portraitistes de la Société Nouvelle. Comme leur confrères les paysagistes, ils ont eu recours à l'enseignement des maîtres. Titien, Vais Dyck, Rembrandt, Velasquez, les peintres anglais du XVIIIe siècle, Ingres, Prudhoe, Ricard leur ont appris l'art d'in-terroger les êtres, d'attirer l'intelligence au bord des paupières, la sensualité au coin des lèvres, d'éclairer les faces par l'intime rayonnement des âmes. Le souci de l'ex-pression va donc l'emporter victorieusement sur celui de la ressemblance matérielle. Le décor surtout va se trouver sacrifié; les vêtements vont s'assombrir, pour laisser toute l'importance aux visages et aux mains; la toilette féminine elle-même dépouiller sa richesse, sots éclat joyeux, afin que triomphent seules la pensée, la sensibilité de la femme, dans leur intense modernité. Un .peintre de la femme moderne, c'est Antonio de La Gandara. Il sait traduire son charme complexe, aigu et troublant, sa maigreur nerveuse, ses façons un peu gar-çonnières, sa distinction un peu sèche, sa sûre et sobre élégance. Il la montre debout ou assise, sur des fonds obscurs, en des attitudes imprévues, assez cherchées, com-posant aise silhouette toujours décorative. Il la vêt de la robe de ville, noire, grise, braise, havane, aux tonalités sourdes, que relèvent seulement les lueurs furtives d'un bijou, d'un ruban, d'une fleur au chapeau, d'une paillette au corsage. Quand par hasard il la peint en robe de soirée, cousine la jeune comtesse Mathieu de Noailles, il subordonne l'intérêt de sois costume à celui de sa pose et de son expression. L'auteur du « Coeur innombrable » et de