L’ART DÉCORATIF M. Friant a trouvé une veine heureuse dans de fins portraits à la mine de plomb, et c’est dans ces expositions récentes que nous avons vu paraître aussi les dessins de M. Lucien Monod, qui font l’objet de cette étude. Nous suivions, depuis bien des années déjà, le talent de M. Lucien Monod, que l’on avait vu poindre aux premiers salons du Champ-de-Mars, et que les amateurs soir tombant sur la mer, qui résume bien toute cette période de son œuvre : cela s’ap-pelait L’Heure de cendre. Puis sa manière s’est fortifiée, sa couleur s’est corsée, peut-on dire, en même temps que la matière même de sa peinture se faisait plus pleine, plus solide, plus franche; l’artiste acquérait sa personnalité, qui se révélait dans les tableaux des années sui-vantes, d’une touche souple et savoureuse, d’une puissante harmonie de tons. Des figures de femmes, placées dans des sites de rochers et de mers, en dégageaient la significa-tion permanente, le grand symbole physique et éter-nel: une femme, appuyée contre les parois de rocs, soulevait une lourde conque d’ammonite, comme la volute d’une architecture cyclopéenne, appareillée à ces murailles mystérieuses; une Sapho se laissait glisser dans le remous de l’onde attirante. Un vrai tempérament de peintre se manifestait dans ces tableaux, parce que le sentiment se dé-gageait des formes forte-ment constituées ; l’artiste y aspirait à peindre des corps réels, sous les aspects de la nature qu’il avait res-sentis, et par ses moyens d’expression propres, c’est-à-dire par une couleur so-nore, franchement maniée. M. Lucien Monod n’a pas renoncé à la peinture pour se consacrer exclu-sivement au dessin ; il a rapporté, l’automne dernier, d’Italie de puis-santes études de peintre, où les arbres et les architectures s’unissent dans un noble accord, et que l’on verra, nous l’espérons, au Salon de cette année. Mais depuis deux ans environ, on a vu paraître de lui des compositions aux trois crayons, où il a dès maintenant acquis une note bien à lui. Conduit fortuitement, par la demande d’un amateur, à quelques premiers ess • Portrait avertis avaient bien vite discerné pour la note délicate, émue et sérieuse de sa pein-ture. Ses premiers tableaux, — des figures d’une allure quasi allégorique malgré leur étude sincère et intime, ou bien des pay-sages, dont la plupart étaient rapportés de Bretagne, — s’atténuaient comme d’un voile mélancolique et crépusculaire ; il affection-nait les harmonies grises et douces. Je me rappelle un tableau de lui, impression de (Photographie Roux) 122 FIND ART DOC