LES DESSINS DE LUCIEN MONOD DEPUIS quelques années, il semble que l’on ait repris goût aux dessins serrés et délicats, où le crayon se fait tour à tour aigu ou moelleux pour serrer de plus près la contexture d’un visage, en pénétrer l’ex-pression secrète. Le dessin paraît être le procédé le mieux approprié pour nous rendre un portrait intime, — inclinaison d’âme autant que ressemblance physique ; nous le trouvons plus dégagé de matière que le pinceau, qui doit se mouvoir sous sa charge de pâte colorée et qui, plus riche et plus onctueux, y perd en précision. Le dessin semble résumer les qualités de la peinture et celles de la sculpture: les volumes y sont fermement établis. Cette considération nouvelle accordée aux dessins provient, sans doute, chez les artistes con-scients de leur art, de l’étude plus approfondie des maîtres de toutes les époques. En se mettant sous la discipline plus suivie de ces maîtres, en se rendant compte de leurs méthodes de travail, en examinant les abondantes collec-tions de dessins que possèdent les grands musées d’Europe, on s’est rendu compte de toute la pénétration de caractère, ou de toute la souplesse aisée et élégante qu’enfermaient tour à tour, dans leurs sanguines, leurs crayons noirs, leurs pointes d’or ou leurs dessins teintés, Léonard ou Lorenzo di Credi, Andrea del Sarto ou Raphaël, Holbein ou Lagneau. D’autre part, nos maî-tres du XVIII= siècle nous ont aussi révélé dans leurs dessins un art charmant, arrivant méme à un exquis sentiment de colo-ration, par le mélange des trois crayons, rouge, noir et blanc, sur papier teinté. Enfin, après des années d’oubli, on a revu les dessins d’Ingres et de son école, et l’on y a respiré le sentiment de la vie ; cette série de portraits nous retrace tout un caractère d’époque, nous cliche toute une classe sociale, avec ses vertus d’intérieur et ses vanités. Depuis, nous avons vu quelques-uns des artistes les plus considérables rester des maîtres du dessin. Je sais des dessins d’Al-phonse Legros, à la pointe d’or, qui reste-ront des chefs-d’oeuvre classiques, par le travail du modelé qui, à travers les traits de la physionomie, dégage toute une pensée. Les dessins de Burne-Jones resteront peut-être aussi parmi ses oeuvres les plus puis-santes. Dans nos dernières expositions, 121 le FIND ART DOC