MADAME BERTHE GIRARDET FOIS que le sentiment du moderne, les idées, les moeurs, les aspects d’aujour-d’hui pénètrent de jour en jour davantage la plupart des modes de l’activité artistique, la sculpture demeure traditionnelle. Elle n’a pas secoué la tyrannie des antiques for-mules. Elle appartient pres-que complètement au passé. Les expositions annuelles offrent un spectacle vrai-ment affligeant. Quand, à chaque nouveau Salon, on entre dans le hall du Grand Palais, on éprouve une dé-ception. On s’attendait à rencontrer cette fois un effort d’ensemble vers la réalité, vers la vie. On n’aper-çoit d’abord, comme tou-jours, que des oeuvres froides et factices, que des compo-sitions sans saveur où se perpétuent les influences académiques. Tous les pon-cifs, tous les figurants de la Fable, vêtus de tous les oripeaux mythologiques, se sont donné là rendez-vous. Les Neptune et les Mars abondent, et les Tantale et les Sisyphe, et les Cérès et les Pomone vidant leurs cornes d’abondance, et les Faunes pourchassant les Nymphes coquettes, et les pâtres d’Arcadie cadençant sur la flûte leur chanson surannée. Non seulement on ne voit pas les êtres que l’on coudoyait tout à l’heure dans la rue et que l’on eût tant souhaité re-connaître avec leurs allures, leurs joies et leurs soucis, la muette éloquence de leurs douleurs, mais on ne peut même faire le réve antique d’un peuple de dieux, de héros et d’éphèbes, de déesses etde vierges évoluant, dans la blancheur du marbre, sous une lumière sereine. Les cos-tumes sont ridicules, les poses contraintes, les gestes figés. et de la morne troupe ne s’élève pas la symphonie glorieuse qui mon-tait jadis des statues rassemblées dans les temples de l’Attique. L’esprit agile de la Grèce, l’âme des Praxitèle et des Phidias n’habite point ces formes inertes. Quant à 13 Madone l’âme moderne, elle ne parvient guère à s’exprimer dans les tribuns à redingote et les généraux en uniforme, personnifiant avec emphase le courage civique ou militaire, qui émergent, par endroits, de la cohue des sujets anciens. L’âme moderne, il faut la chercher patiemment à travers les allées que borde la double haie des statues. On doute,