L’ART DÉCORATIF Dans ce nouveau lustre de M. Guinier, la branche qui part du plafond est à peu près identique à celle qui soutient le motif des cygnes ; mais ici c’est un mouvement de tiges qui vient s’y souder. L’ensemble est élégant et léger, sans enlacements trop compliqués, comme il arrive trop souvent à ce que l’on peut appeler les lustres floraux. Une lampe de s L’Art Nouveau Bing dont le modèle a été donné par M. Colonna, ainsi qu’une autre, composée par M. Paul Follot pour la Maison Moderne, sont des lampes de table ou de bureau, à foyer caché par un abat-jour. On trouvera dans celle de M. Colonna une très grande grâce. La ligne se poursuit d’un jet depuis le pied jusqu’au sommet, accentuée par des épanouissements de feuilles, et s’arquant pour suspendre l’abat-jour de soie moulé sur des côtes en spirale. M. Follot a fait exécuter son abat-jour bombé dans ce• verre bleu à reflets opalins que l’on a appelé t aigue marine s. La lu-mière en est douce et charmante. -Le mou-vement de son pied, divisé en deux rameaux, a aussi de l’élé-Sance ; on porte-rait lui reprocher une apparence de fragilité. En réa-lité, l’art décora-tif ne devrait s’inspirer pour les supports que des formes qui dans la nature présentent de la résistance. lin brin d’herbe n’est pasdestiné à jouer le rôle de colonne. C’est l’adap-tation logique de telle ou telle forme naturelle à un rôle ornemental et achitectural qui décèle le plus nettement un in-stinct d’artiste. Car il est des règles vaguement pressenties en de-hors desquelles l’imagination ne Lampe 80 GUINIER Lustre serait que désordonnée. En groupant ici, à mesure qu’ils apparaissent, quelques-uns des modèles que nous présente l’industrie, nous voulons les distinguer de tout ce que l’on peut nous montrer d’étrange et d’embarrassé. Prenons garde aussi de tomber dans la formule. Si nous ne voulons plus de feuilles d’acanthes, de rinceaux ou de rocailles, ce n’est pas pour retomber dans des enroule-ments toujours les mêmes, ou dans ces motifs d’algues ou d’herbages, gracieux, mais qui ont d’ores et déjà donné ce qu’on pouvait en attendre. Nous avons vu de meme luises les sertis, dont il semblait indispen-sable de ficeler toute silhouette décorative, ou les cheveux coupés en quatre. Les tours de main se prennent vite, et ce qui est spontané chez l’un ou chez l’autre ne l’est plus chez ses imitateurs.